Dans une étude publiée dans la revue "Cell" le 19 septembre, une équipe internationale de recherche, dirigée par une scientifique...
LireL’histoire de la mobilité à cheval remise en cause par l’ADN ancien
Dans le cadre de cette étude, l’équipe de recherche a rassemblé une vaste collection de restes archéologiques de chevaux couvrant l’Eurasie tout entière. En s’appuyant sur des techniques de pointe permettant le séquençage d’ADN ancien, les scientifiques ont pu analyser les transformations génétiques qui ont accompagné l’émergence de l’équitation avec une précision inégalée, et y retrouver le moment où l’élevage du cheval a débuté.
Ils ont tout d’abord cherché à placer précisément dans le temps l’époque où les ancêtres des chevaux domestiques actuels ont commencé à quitter leur foyer d’origine. Ensuite, ils ont reconstruit l’histoire démographique des chevaux pour identifier quand les éleveurs ont entrepris de les produire à grande échelle. Enfin, ils ont cherché des signes génétiques manifestes d’une manipulation délibérée de la reproduction animale par les premiers éleveurs.
Ces trois indices (date du début de l’essor des chevaux domestiques ; démographie ; manipulation de la reproduction) dépeignent tous une histoire cohérente où les chevaux domestiques ont été produits en nombre suffisant pour répondre à une demande exponentielle à travers le continent, démarrant il y a seulement 4 200 ans. Par conséquent, cette date, et aucune autre avant elle, marque le début d’une nouvelle ère dans l’histoire humaine où la mobilité basée sur le cheval a émergé pour rester un élément central de nos sociétés jusqu’à l’essor des moteurs à combustion à partir de la fin du XIXe siècle.
Des recherches consacrées à l’ADN ancien préservé dans des restes humains avaient pourtant révélé que le paysage génétique humain de l’Europe avait connu un changement radical suite à la migration de peuples venus des steppes, souvent décrits comme cavaliers et locuteurs d’une langue proto-indo-européenne. La nouvelle étude ne retrouve aucun signe de tels bouleversements parmi les chevaux de la même époque. Ainsi, et malgré l’omniprésence d’un vocabulaire lié au cheval parmi les langues indo-européennes, les humains ne se sont pas servi du cheval comme moyen de transport au cours de ces migrations.
Les travaux publiés aujourd’hui décrivent une méthode particulièrement innovante permettant d’établir que les générations de chevaux se sont mises à défiler bien plus vite au moment même où leur production devenait massive et où ils envahissaient le continent. Si les premiers éleveurs ont donc pu produire soudainement un nombre aussi colossal de chevaux pour répondre à une demande devenue générale, c’est qu’ils ont réussi à élever et à faire se reproduire des chevaux de plus en plus jeunes, jusqu’à presque doubler leur capacité de production.
L’équipe de recherche a retrouvé les mêmes signes d’une accélération considérable dans la cadence des générations au sein d’une lignée distincte de celle menant aux chevaux domestiques modernes. Cette lignée a été découverte à Botaï, un site d’Asie centrale où des enclos à chevaux et des signes de leur traite et de leur harnachement ont été décrits, mais sont restés fortement débattus. Le nouvel indice génétique dévoilé par l’étude plaide en faveur d’un contrôle avancé de la reproduction des chevaux par les éleveurs. Il conforte les interprétations faisant du peuple sédentaire de Botaï un peuple ayant réussi à domestiquer le cheval il y a 5 500 ans pour en exploiter sa viande et son lait. Le cheval a donc bel et bien été domestiqué deux fois : d’abord pour le manger, et bien longtemps après, pour le monter.
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Source : CNRS
Photo : HuanPhoto / Shutterstock