Les mandrills aussi transmettent à leurs enfants les bonnes pratiques d’hygiène

Chez ces primates, lorsque beaucoup d’individus sont infectés de parasites gastro-intestinaux contagieux, certaines femelles évitent systématiquement de toiletter la région périanale de leurs congénères, riche en parasites. Une stratégie « hygiénique » transmises à leurs filles, puisqu’il est possible de retrouver le même niveau d’hygiène chez elles, comme le montre l’étude de Marie Charpentier, chercheuse CNRS à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/IRD/EPHE), ainsi qu’au Max Planck Institute of Animal Behavior, et de Clémence Poirotte, chercheuse au German Primate Center, publiée le 8 février 2023 dans la revue Proceedings of the Royal Society of London B.

Pour ce faire, les deux scientifiques ont étudié un grand groupe social de mandrills (Mandrillus sphinx) vivant dans une réserve naturelle au Sud du Gabon. Elles ont ainsi collecté et analysé les données comportementales et parasitaires récoltées pendant six ans sur 297 de ces singes, dont 102 femelles pratiquant le toilettage de leurs semblables. Cet héritage social s’avère payant puisque les femelles qui évitent de toiletter la région infectée sont moins parasitées que les autres. Pour ces animaux sociaux, l’exposition aux parasites est particulièrement importante et a donc favorisé l’évolution d’adaptations comportementales, parfois très élaborées. Cette étude suggère que la transmission sociale de l’hygiène dans un groupe de primates permet une résistance aux pathogènes, avec des conséquences potentielles sur la dynamique des maladies infectieuses.

 

Source : CNRS

Le Botswana confronté à un pic du braconnage de ses rhinocéros

Au total, 138 rhinocéros ont été abattus par des braconniers à la recherche de leur corne, entre 2018 et 2022, avec un pic en 2021, avant de redescendre en 2022, a déclaré devant le Parlement la ministre du Tourisme, Philda Kereng. A titre de comparaison, entre 2012 et 2017, le Botswana avait recensé seulement deux rhinocéros victimes des braconniers.

La ministre a attribué cette hausse à « une demande accrue de corne de rhinocéros sur le marché international », essentiellement en Asie, et aussi « à un déplacement des organisations criminelles depuis d’autres États d’Afrique australe ».

L’Afrique du Sud voisine, haut lieu traditionnel du braconnage des rhinocéros, a connu ces dernières années une baisse constante du nombre d’animaux tués en raison de l’augmentation des patrouilles dans les parcs nationaux, ce qui a obligé les braconniers à partir chercher des cornes à chercher ailleurs.

En Asie, les cornes de rhinocéros sont utilisées en médecine traditionnelle pour leurs effets thérapeutiques supposés.

Selon la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES), il resterait au total 285 rhinocéros blancs et 23 rhinocéros noirs au Botswana.

Le Botswana, qui a intensifié à son tour ses patrouilles antibraconniers, a commencé ces dernières années à décorner ses rhinocéros, pour réduire leur attrait pour les braconniers, mais cela n’a pas eu l’effet escompté, car la souche de la corne résiduelle reste précieuse pour les braconniers.

 

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© Agence France-Presse

Deux dauphins roses, espèce menacée d’extinction, sauvés en Colombie

Une vidéo diffusée par cette institution montre plusieurs agents en uniforme transportant les mammifères à l’aide d’un hamac, puis des spécialistes à même le sol vérifiant l’état des animaux, les aspergeant continuellement d’eau.

Face au risque imminent de la mort de ces mammifères, les experts ont agi rapidement, munis uniquement de hamacs et de filets de pêche.

En 17 minutes environ, ils ont sorti la femelle et son petit de l’estuaire où ils étaient piégés, se sont assurés de leur bonne santé et les ont finalement relâchés dans le Caño Juriepe, situé à environ 500 mètres de là, a relaté à l’AFP Erika Gomez, coordinatrice de la Fondation Omacha, qui a participé à l’opération de sauvetage près de la frontière vénézuélienne avec les forces de sécurité, les autorités environnementales et les ONG.

Celle-ci a eu lieu le 13 février grâce à une alerte donnée par la communauté, a-t-on indiqué de même source.

La femelle adulte pesait environ 140 kg et son delphineau, également une femelle, pesait environ 35 kg, a précisé Mme Gómez, également biologiste.

L’habitat du dauphin rose, ou Inia geoffrensis de son nom scientifique, s’étend du Brésil au Venezuela, en passant par la Colombie, le Pérou, l’Equateur et la Bolivie.

Il s’agit d’une espèce menacée d’extinction, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Pour l’institut de recherche sur les ressources biologiques Alexander von Humboldt, « les pêcheurs (constituent) les principaux bourreaux du dauphin rose en Colombie, un mammifère qui peut atteindre 2,8 m de long et peser plus de 220 kg ».

Mais d’autres facteurs ont aussi leur rôle à jouer dans l’extinction progressive du dauphin rose en Colombie: la contamination au mercure des rivières, et le réchauffement climatique qui provoque des changements de débit des affluents au sein de leur habitat.

lv/das/ag/nzg/lpa

© Agence France-Presse

Quels sont les premiers ancêtres de nos poissons modernes ?

Comprendre l’histoire évolutive des espèces grâce à leurs relations de parenté est une question essentielle et fait régulièrement l’objet de controverses scientifiques. L’une d’elle concerne la position, dans l’arbre de la vie des trois plus anciens groupes de poissons téléostéens, apparus vers la fin du Jurassique (période qui s’étend de -201,3 à -145 millions d’années) et qui comprennent la plupart de nos poissons modernes. Ces trois groupes se composent des « arowanas », des « anguilles » et d’un groupe qui réunit toutes les autres espèces de poissons téléostéens. Dans les années 19701 les premières classifications, qui se basaient uniquement sur des critères anatomiques1 avaient classifié les « arowanas » comme le groupe le plus ancien. Les approches modernes de classification fondées sur l’utilisation de séquences ADN pour reconstruire l’histoire évolutive du vivant plaçaient, elles, les « anguilles » comme le groupe le plus ancien. Depuis, la controverse s’est installée.

 

Et si les deux hypothèses étaient fausses?
Pour étudier cette question les scientifiques ont séquencé les génomes de plusieurs espèces du groupe « anguilles », parmi lesquelles l’anguille européenne et la murène géante. Ils ont analysé les séquences d’ADN pour mieux connaître la structure et l’organisation des gènes au sein du génome. Ils ont ainsi pu reconstruire de façon très fiable les relations de parenté entre les différents poissons téléostéens ce qui a conduit à mettre fin à la controverse sans gagnants1 ni perdants : aucune des deux deux hypothèses n’était valide !
En effet, et de façon surprenante, les scientifiques ont découvert que les deux groupes des « anguilles » et des « arowanas » ne font en fait qu’un seul et même groupe dans l’histoire évolutive. Les chercheurs ont baptisé ce groupe « eloposteoglossocephales ». Ces résultats permettent de mettre fin à plus de cinquante 50 ans de controverses sur l’histoire évolutive des branches maîtresses de l’arbre de la vie des poissons téléostéens. Ils éclairent de façon nouvelle l’histoire évolutive des poissons et la compréhension des processus d’évolution.

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Source : CNRS

Référence : Science 

Quels sont les chiens préférés des Français ?

Le nouveau top 20 des chiens préférés des Français est paru en janvier dernier. Ce classement exclusif est révélé par la Centrale Canine, dont la mission principale est de répertorier officiellement tous les chiens de race en France à travers son Livre des origines français (LOF). Sur les deux premières marches du podium, le berger australien confirme sa pole position avec plus de 20 000 naissances en 2022, suivi du golden retriever, qui en a enregistré près de 15 000 sur l’année. Quant à la troisième marche, elle est désormais occupée par le staffordshire bull terrier, avec plus de 12 500 chiots en 2022. Le “staffie” grimpe à la place du berger belge, rétrogradé en 4e position. Les nouveaux chiffres de la Centrale Canine confirment également la passion grandissante des Français pour les chiens depuis les confinements. En 2022, plus de 258 000 naissances de chiens de race ont été enregistrées en France, en hausse de 10,4 % par rapport à 2019, dernière année de référence.

Comme les humains, les abeilles ordonnent les nombres de gauche à droite

Lorsque des humains, ainsi que certains autres vertébrés, sont confrontés à des quantités numériques, ceux-ci les ordonnent de façon spatiale, spécifiquement de gauche à droite en ordre croissant. Par exemple, dans un exercice de pointage de nombres avec la main gauche et droite simultanément, nous sommes plus rapides en signalant de petites quantités avec la main gauche alors que des grandes quantités sont signalées plus rapidement avec la main droite.

Cette représentation spatiale des nombres s’appelle la ligne mentale numérique (LMN) et son existence a longtemps été sujette à débat car elle a été attribuée à des facteurs culturels comme l’apprentissage de la lecture et l’écriture, de gauche à droite, dans les cultures occidentales. A l’inverse, dans les cultures où elles se font de droite à gauche, la LMN est atténuée. Après avoir passé plusieurs années dans une culture occidentale, l’effet LMN émerge chez ces mêmes individus. Néanmoins, d’autres travaux montrent que les nouveau-nés humains et certains vertébrés, comme les oiseaux, ordonnent les nombres selon une LMN, suggérant ainsi une composante innée dans cette représentation numérique spatiale.

Un article inédit publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences, mené par Martin Giurfa et impliquant également des chercheurs des universités de Lausanne et de Padoue, vient apporter une réponse à ce débat : la LMN est présente aussi chez les abeilles.

Pour obtenir ce résultat, des abeilles en libre vol étaient entrainées à obtenir une solution sucrée dans une boite affichant sur une paroi verticale une image avec un nombre d’items déterminés, dont la nature – mais pas le nombre – variait régulièrement (cercles, carreaux, triangles).

Après s’être habituées à la quantité affichée, elles étaient confrontées à deux images identiques affichant le même nombre d’objets à droite comme à gauche. Des abeilles entraînées à la valeur 3 étaient testées face à des images avec 1 seul objet, présentées sur leurs deux côtés, puis avec une image affichant une valeur de 5, avec le même procédé. Les abeilles ainsi testées avec ces quantités nouvelles ont préféré aller sur l’image de la valeur 1 à leur gauche et celle de 5 à leur droite.

Les résultats de ce travail ont montré que le positionnement d’un nombre dans la LMN est relatif à un nombre de référence. Ainsi des abeilles entrainées à 1 préfèrent 3 à droite alors que des abeilles entrainées à 5 préfèrent 3 à gauche. « Le fait de démontrer l’existence d’une LMN chez les abeilles est un élément clé pour le débat sur ses origines, selon Martin Giurfa. Il parait difficile de rester sur une argumentation purement culturelle, même si, chez l’homme, ce facteur peut atténuer la LMN ou au contraire la renforcer. »

Les résultats obtenus par Martin Giurfa et ses associés mettent en évidence la convergence des stratégies de traitement numérique – notamment l’association entre l’espace (droite, gauche) et les quantités – qui existent entre des cerveaux de différentes complexités comme ceux de l’homme et des abeilles malgré leurs différences évolutives importantes. La LMN parait être inhérente à des systèmes nerveux latéralisés, tels que ceux de l’homme et de l’abeille, où des hémisphères cérébraux diffèrent dans leur traitement d’informations selon la nature de celles-ci : fréquences et/ou quantités, par exemple.

Cette asymétrie cérébrale, qui se produit chez un large éventail de vertébrés et d’invertébrés, peut être donc à la base de la LMN chez de très nombreuses espèces. « Ces travaux nous montrent à nouveau que les êtres humains ne sont pas si spéciaux et différents d’autres créatures vivantes dans certaines capacités cognitives, y compris dans le cas des abeilles que nous avons tendance à considérer « simples ». Ces résultats devraient donc aider à changer notre regard sur les espèces avec lesquelles nous partageons notre environnement, et nous amener à adopter des pratiques plus responsables pour préserver cet environnement et leur survie », conclut le professeur de neurosciences.

 

Source : CNRS

Le cycle de production des glands influence les populations de sangliers

Selon une étude parue le 6 janvier 2023 dans le journal The American Naturalist, l’enchaînement des évènements environnementaux au fil des années aurait des conséquences sur les effectifs des populations sauvages. Une équipe de recherche dirigée par Marlène Gamelon, chercheuse du CNRS, s’est intéressée à l’influence de l’enchaînement au cours des années des évènements de fructifications des chênes sur une population de sangliers, grands consommateurs de glands. Les scientifiques ont simulé plusieurs cycles de production de glands et se sont intéressés en particulier à deux scenarios extrêmes : un premier consistant en une alternance d’années de faibles et de fortes fructifications, et un second où les fructifications tendent à se ressembler d’une année sur l’autre. L’équipe a observé que c’est une alternance d’années de faibles et de fortes fructifications, une année sur deux, qui favoriserait l’augmentation des effectifs de sangliers. Dans ce cas particulier, les épisodes de production de glands tous les deux ans coïncident avec le temps de génération des sangliers, c’est-à-dire l’âge moyen de reproduction des mères de cette population. Cette correspondance entre cyclicité des productions de glands et temps de génération a un impact positif sur les effectifs de sangliers sur le long terme. Dans le contexte de réchauffement climatique, il est justement attendu que des printemps chauds et secs favorisent ce type de production de glands à l’automne, les arbres alternant entre une année de production et de repos. Cette étude souligne l’importance de prendre en compte l’enchaînement des conditions environnementales afin d’être en mesure de comprendre et prédire le devenir des populations sauvages.

 

Source : CNRS

Une nouvelle espèce de corail “dentelle” a été découverte au Brésil

Ce petit corail dentelle rose est bien entouré, certainement par sa famille. Le corail dentelle ne se disperse pas très loin et s’installe souvent à côté de ses proches – au contraire de ses cousins, les coraux constructeurs de récifs, qui peuvent se disperser à de grandes distances grâce à leurs larves.

En restant toujours proche de chez soi, chaque population de corail dentelle finit par se reproduire avec un cercle restreint. En restant isolée, une population peut devenir une nouvelle espèce au cours du temps. C’est le cas pour le corail dentelle rose des côtes du Brésil, dont une espèce jusqu’alors inconnue vient d’être identifiée dans une étude récemment publiée dans la revue Coral Reefs.

Les récifs coralliens sont des « hotspots » de biodiversité : ils abritent des milliers d’espèces dans les petites fissures et crevasses du récif. Les coraux dentelle contribuent à cette diversité en favorisant l’installation d’espèces associées.

Comment naissent les nouvelles espèces de coraux ?

Pour comprendre l’évolution des coraux dentelle dans l’Atlantique, nous avons étudié 18 populations de corail dentelle aux Caraïbes, au Brésil et en Afrique. De façon remarquable, chaque population avait ses propres variantes génétiques, assez éloignées les unes des autres. Pour arriver à une telle différentiation génétique, très peu d’échanges de larves ou d’individus doit avoir eu lieu.

Dans le milieu marin, de nombreux organismes restent connectés aux autres membres de leur tribu par la dispersion des larves. De nombreux organismes peuvent émettre leurs cellules reproductrices dans la colonne d’eau, leur permettant de se reproduire avec des individus qui ne sont pas nécessairement à proximité. Les larves se développent alors dans la colonne d’eau et peuvent nager pendant plusieurs jours à plusieurs semaines, atterrissant parfois à des centaines de kilomètres de leur récif d’origine. Lorsqu’ils deviendront adultes, ils se reproduiront probablement avec des individus venus d’ailleurs. C’est de cette manière que les coraux durs se reproduisent : des populations séparées par des centaines de kilomètres maintiennent une « connectivité » et sont génétiquement similaires.

Les larves de coraux de dentelle rampent, mais ne nagent pas

Les coraux dentelle, eux, ne se reproduisent pas de cette manière. Jusqu’à présent, le comportement reproducteur de seulement quelques espèces de coraux dentelle ont été étudiées. Ce que l’on sait, c’est que la fécondation est interne, et non pas dans la colonne d’eau. Une fois que les œufs fécondés ont éclos et qu’une larve est prête à quitter son géniteur, elle ne nage pas. Elle rampe… ce qui limite la distance parcourue. La plupart des larves s’installent ainsi dans le récif d’origine, parfois même tout à côté de ses géniteurs.

Ce manque de connectivité, ou d’échange de larves et d’individus entre les populations, est exactement ce qui conduit à l’isolement nécessaire à l’origine de nouvelles espèces. Sans échange d’informations génétiques, chaque tribu devient de plus en plus différente au fil du temps, jusqu’à ce qu’elles ne n’appartiennent plus à la la même espèce, et ne peuvent plus se reproduire entre elles.

Malgré sa ressemblance au corail dentelle rose des Caraïbes, celui des côtes du Brésil est si différent qu’il devrait être considéré comme une nouvelle espèce.

À l’aide d’une « horloge moléculaire » – une technique qui permet d’estimer le temps écoulé entre deux espèces en comptant le nombre de mutations entre elles – il est estimé que les coraux dentelle rose des Caraïbes et du Brésil sont devenus des espèces distinctes il y a environ onze millions d’années, à peu près au moment de la création du fleuve Amazone. Compte tenu du peu d’échanges observés pour le corail dentelle rose, si le mode de reproduction est similaire chez d’autres espèces, il est probable que de nombreuses autres espèces « cachées » soient à découvrir.The Conversation

Flavia Nunes, Chercheuse, scientifique, Ifremer

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

L’extraordinaire sens de l’orientation des fourmis

Comment s’oriente un être dont la taille se compte en millimètres et dont les yeux rasent le sol ? Les scientifiques ont longtemps été intrigués par la capacité des fourmis à retrouver leur chemin après s’être éloignées de dizaines de mètres de la fourmilière, un périple bien long pour un insecte aussi minuscule. D’après une étude récente menée par des entomologistes spécialisés en neurosciences, des informaticiens et des éthologues du Canada, d’Australie, du Royaume-Uni et de France, certaines espèces de fourmis s’orientent en alliant perception visuelle et capacités de mémorisation de façon bien plus poussée que nous le pensions jusqu’à présent1. Les chercheurs ont également montré, en observant des fourmis du désert espagnoles se déplaçant de diverses façons (vers l’avant, à reculons ou sur le côté), que leur sens de l’orientation n’était pas influencé par la position de leur corps, ce qui suggère des capacités de traitement de l’information surprenante pour un si petit cerveau.

Une excellente mémoire visuelle

S’il existe plus de 12 000 espèces de fourmis aujourd’hui, c’est aussi grâce à la diversité de leurs stratagèmes de survie, qui leur a permis de coloniser tous les continents, à l’exception de l’Antarctique. Cette diversité s’observe par exemple dans les stratégies employées pour retourner à la fourmilière après avoir trouvé de la nourriture.

Certaines fourmis laissent une trace de leur passage sous forme de phéromones. D’autres, telles que la Cataglyphis velox, une fourmi du désert andalou, font appel à la vision offerte par la multitude de lentilles interconnectées composant leurs yeux à facettes et la combinent à une impressionnante capacité à mémoriser les images perçues durant un trajet. Jusqu’à présent, les scientifiques considéraient que les fourmis s’orientaient en faisant correspondre les éléments présents dans leur champ de vision avec ceux qu’elles avaient mémorisés de façon égocentrée, c’est-à-dire en faisant face au chemin. Par ailleurs, ces fourmis se sont montrées capables de retourner à la fourmilière en se déplaçant à reculons. Comment faire pour concilier ces deux notions ?

Les chercheurs ont tenté de le découvrir en procédant à des expériences sur le terrain dans la région de Séville, en Espagne, auprès des fourmis du désert locales. « Ces fourmis partent à la recherche de nourriture en été, alors que la température du sol peut atteindre 70° C, explique Antoine Wystrach, éthologue spécialisé en neurosciences du Centre de recherches sur la cognition animale2Avec une telle chaleur, les cadavres d’arthropodes grillés par le soleil – leur principale nourriture – peuvent être trouvés un peu partout, aussi se dispersent-elles pour mener leurs recherches individuellement plutôt que de se rendre en groupe aux mêmes endroits. » Une telle stratégie explique l’aptitude de cette espèce à s’orienter lorsqu’elle est seule, et donne aux chercheurs l’opportunité de comprendre comment chaque individu fait pour retrouver le chemin de la fourmilière.

Un morceau de cookie entre les mandibules, la fourmi Melophorus bagoti se déplace efficacement en marche avant jusqu’à la fourmillière.

 

Dans le cadre de leur première expérience, les chercheurs ont placé des barrières autour d’une fourmilière pour guider les fourmis chercheuses de nourriture le long d’un trajet précis, en échange de morceaux de cookie. Une fois les fourmis familiarisées avec l’itinéraire, les scientifiques les ont relâchées sur un tronçon de la route nécessitant d’accomplir un virage à 90° pour retourner à la fourmilière. Les individus ayant reçu un morceau de cookie assez léger pour être porté en marche avant ont été capables de retrouver leur chemin sans problèmes, tournant au moment où ils le devaient. Par contre, les fourmis portant des morceaux plus lourds, et donc forcées de traîner leur butin en progressant en marche arrière, ont continué tout droit et ignoré le virage, ce qui indique clairement que les images perçues dans cette position ne trouvaient pas écho dans leurs souvenirs. « Ce résultat est venu renforcer la thèse selon laquelle une fourmi se souvient de la scène visuelle selon une perspective égocentrée, explique le chercheur du CRCA. Mais une question persistait : comment faisaient les fourmis pour s’orienter lorsqu’elles se déplaçaient à reculons ? »

Un sens de l’orientation « versatile »

C’est durant cette même expérience qu’une réponse est apparue. Faisant preuve d’une intelligence surprenante, certaines fourmis qui marchaient à reculons ont lâché leur charge et se sont tournées pour observer la route dans l’autre sens : la preuve incontestable qu’elles faisaient appel à leurs souvenirs égocentrés de l’itinéraire. Ensuite, elles se sont de nouveau retournées pour récupérer leur butin et se remettre en marche, cette fois dans la bonne direction. Ce comportement implique l’imbrication d’au moins trois types de mémoire : les mémoires visuelles de la route, la mémoire de la nouvelle direction à suivre et la mémoire de l’existence du cookie laissé derrière. C’est la preuve « d’une impressionnante capacité à coordonner plusieurs informations », ce qui est la clé permettant aux fourmis de développer un sens de l’orientation « aussi versatile ».

Les chercheurs ont également été surpris de constater que les fourmis se déplaçant en marche arrière empruntaient une trajectoire rectiligne, une tâche d’autant plus difficile qu’elles traînaient une lourde charge. « En général, les fourmis qui marchent à reculons coordonnent leurs six pattes d’une façon assez chaotique, remarque Antoine Wystrach, aussi étions-nous certains qu’elles se servaient d’un repère externe pour pouvoir maintenir une trajectoire rectiligne. » Afin de déterminer si les objets célestes étaient liés à cette capacité démontrée par les fourmis, les chercheurs ont procédé à une deuxième expérience : ils se sont servis d’un miroir pour montrer aux fourmis se déplaçant à reculons un reflet du soleil. L’illusion du soleil apparaissant de l’autre côté du ciel a eu un impact sensible sur le comportement des insectes. « Les fourmis se déplaçant en marche arrière ont changé de direction, raconte le chercheur, ce qui nous a confirmé que la position du soleil jouait un rôle déterminant sur leur capacité à maintenir un même cap lorsqu’elles ne peuvent s’aligner vers l’avant pour reconnaître la route. »

 

Un système nerveux complexe

En fait, quelle que soit la façon dont elles se déplaçaient (même de côté), les fourmis du désert maintenaient une trajectoire rectiligne. « Les recherches menées jusqu’à maintenant suggèrent que le déplacement des fourmis est intimement lié à l’orientation de leur corps, précise l’éthologue. Mais nos observations tendent à prouver le contraire : les fourmis sont capables de se déplacer dans une certaine direction tout en étant tournées vers une direction différente. Cette dissociation implique que leur représentation des directions n’est pas centrée sur leur propre corps mais sur le monde extérieur : un système particulièrement flexible puisqu’il permet aux fourmis de tenir compte d’une grande variété d’informations, dont celles provenant de souvenirs visuels égocentrés, quelle que soit l’orientation de leur corps. »

Alors qu’elle progresse à reculons pour tracter son volumineux morceau d’insecte, la Melophorus bagoti parvient à se retourner et continuer son trajet en marche avant.

 

Cette étude met en évidence la grande complexité du système nerveux des insectes. « Imaginez un peu le degré de coordination motrice nécessaire pour marcher de côté en ligne droite ! » s’enthousiasme Antoine Wystrach. De plus, le comportement des fourmis prouve l’existence « d’une synergie inattendue entre plusieurs parties du cerveau des insectes ». Par exemple, quand une fourmi regarde vers l’avant pour vérifier sa position avant de continuer en marche arrière, cela implique « un transfert d’informations » entre les corps pédonculés (la partie du cerveau responsable chez l’insecte du stockage des souvenirs visuels) et le complexe central (qui lui permet d’appréhender la position du soleil). Le chercheur explique que le but à long terme de l’équipe est « de déterminer dans quelle mesure ces deux parties du cerveau travaillent ensemble » et permettent aux fourmis de retrouver leur chemin.

Mais dans l’immédiat, les chercheurs ont des projets moins ambitieux. « Quand une fourmi qui marche à reculons lâche son morceau de cookie pour se retourner et vérifier sa position, elle se souvient de l’endroit où elle doit ensuite le récupérer. Mais à quel point se souvient-elle vraiment du cookie ? Comment réagirait-elle si nous remplacions un gros morceau de cookie par un plus petit ? » Ce test permettra aux scientifiques d’évaluer avec quelle précision les fourmis mémorisent les informations du monde qui les entoure.

 

Source : CNRS

Photo :  A.WYSTRACH/CRCA

Rencontre avec les cétacés

Les mers et océans ont toujours passionné les humains. Notre Terre s’appelle la planète bleue et ce n’est pas pour rien. Les mers et océans couvrent 70 % du globe et constituent les plus grands écosystèmes de la planète. S’ils ont toujours passionné les humains, nous ne prenons pour autant pas suffisamment soin d’eux, et le réchauffement climatique n’arrange rien.

Dans leur dernier rapport, l’Académie chinoise des sciences et l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique expliquent qu’en 2021, et pour la sixième année consécutive, nos mers et océans ont subi une nette augmentation de leur température : 14,4 °C en moyenne entre 150 et 45 m de profondeur alors qu’en 2000 ils avaient relevé 13,8 °C en moyenne. Ce n’est pas tout. Selon les experts, les océans se réchauffent depuis la fin des années 1960, avec une nette accélération depuis les années 1980 due en grande partie à l’activité humaine. Ces chiffres sont bien sûr une mauvaise nouvelle pour la planète. En se réchauffant, les glaces fondent, le volume d’eau augmente et le niveau de la mer monte, provoquant des inondations sur les côtes.

Autre problème majeur, l’air que nous respirons s’en trouve modifié. L’océan perd de sa capacité à absorber le dioxyde de carbone (CO2) de notre atmosphère, ce qui a un impact direct sur les événements climatiques extrêmes que nous vivons depuis quelques années. Les mégafeux que nous avons subis cet été en sont une des terribles conséquences.

Le changement de température des mers et océans modifie aussi les biotopes marins, mettant les espèces en danger. Certains poissons et végétaux disparaissent ainsi au profit de poissons plus exotiques.

 

Immersion dans l’univers des cétacés

Nous sommes régulièrement informés de ces changements inquiétants qui sont à notre porte, mais il est parfois difficile de nous projeter et de comprendre ces bouleversements. Pour cela, il faut les voir, les toucher du doigt et surtout qu’ils nous soient expliqués simplement. Au large des côtes landaises, j’ai donc rencontré Clément Brouste, du centre Apex Cetacea qui propose au public une immersion dans l’univers des cétacés, pour mieux comprendre leur mode de vie et comment ces grands animaux sont directement touchés par le changement climatique et la pression anthropogénique (causée par l’homme).

C’est à quelques encablures de Capbreton que ces passionnés de la mer sensibilisent le grand public à l’urgence de prendre soin de nos mers et des mammifères qui les peuplent. Il faut dire que le golfe de Gascogne est l’endroit idéal pour l’observation de ces animaux qui nous fascinent depuis des millénaires.

Sur les 82 espèces de cétacés référencées au niveau mondial, une vingtaine sont visibles sur les côtes françaises. Leur présence importante est due au gouf de Capbreton, un véritable canyon qui cisaille le fond marin, conséquence de l’écartement de deux plaques tectoniques. Ses dimensions exceptionnelles – il peut atteindre 3500 m sur une largeur de 15 km dans sa partie la plus profonde – en font un repaire idéal pour les dauphins, mais aussi pour les baleines et les cachalots.

Cette topologie particulière permet aux masses d’eau profonde de circuler librement et de remonter des profondeurs des minéraux et des micro-organismes qui sont la base de l’alimentation de ces espèces, un phénomène appelé upwelling. Le gouf devient alors un immense garde-manger et une nursery pour la biodiversité qui s’épanouit à la surface.

Avec Apex Cetacea, l’idée est de naviguer dans les zones propices à l’observation des cétacés dans le gouf. « Nous ne sommes pas sûrs de voir les animaux, m’explique Cément Brouste. Dès que nous apercevons un pod de dauphins ou d’autres cétacés, nous les laissons venir à nous ; ce sont eux les maîtres du jeu. C’est lors d’une immersion passive et non systématique que nous essayons d’entrer en contact avec eux. C’est une approche douce et respectueuse de leur environnement. Ces animaux, même s’ils sont curieux par nature, décident par eux-mêmes de nous approcher ou non. Ensuite, notre travail est d’expliquer au public le comportement de ces animaux, leurs cycles de vie, leurs structures sociales, les dangers auxquels ils font face mais aussi les gestes à avoir vis-à-vis d’eux et le respect de leur écosystème. Comme disait le commandant Cousteau : “On aime ce qui nous a émerveillés et on ne protège que ce que l’on aime.” Nous sommes persuadés qu’en montrant ces animaux dans leur environnement, nous arrivons à faire changer les mentalités. » Et il y a encore beaucoup à faire quand on voit certains comportements…

 

Rencontre avec Clément Brouste, fondateur d’Apex Cetacea

Gérald Ariano : Quels impacts visibles du changement climatique avez-vous observés dans le gouf de Capbreton ?

Clément Brouste : Nous avons constaté l’apparition d’espèces de poissons et d’autres organismes aquatiques venant des eaux chaudes. La hausse de la température des mers et des océans dérègle tout l’écosystème. Nous observons des espèces de poissons jamais vues dans le gouf auparavant ou seulement très rarement dans le passé. À présent, l’observation de poissons tropicaux devient de plus en plus récurrente.

Actuellement, nous faisons face à un enjeu écologique bien plus critique et urgent dans le golfe de Gascogne : nous sommes en train de perdre nos populations de delphinidés et plus précisément le dauphin commun (Delphinus Delphis). Plusieurs méthodes de pêche industrielle encore autorisées en France et à l’étranger mettent en péril la survie des cétacés mais aussi d’autres espèces telles que les requins. Pourtant, ces animaux sont cruciaux pour le bon équilibre de l’écosystème. Les captures par les engins de pêche sont aujourd’hui considérées comme la principale menace pesant sur la survie des cétacés. On estime qu’en moyenne 10 000 dauphins par an sont tués, pris dans les filets de pêche sur la façade atlantique. Le taux de mortalité qui ne doit pas être dépassé sur une année entière l’est en un mois seulement.

Pourquoi choisir de plonger au plus près des animaux ? N’est-ce pas un danger pour l’homme et pour l’animal ?

Notre but est de mieux les connaître et les comprendre, de pouvoir recréer des liens positifs avec ces espèces et de reconnecter l’homme à l’animal. Nos observations subaquatiques ne sont pas systématiques, cela dépend des espèces, des individus rencontrés, ou encore de la structure sociale du pod. Nous nous adaptons aux animaux et à leurs envies.

Notre équipe a plus de douze ans d’expérience dans l’interaction homme/dauphin. Si nous sommes amenés à observer les animaux en immersion, c’est que tous les paramètres de sécurité, de confort pour l’animal et pour l’homme sont réunis. Il arrive que nous ne puissions pas les observer dans l’eau ou que les dauphins ne viennent pas interagir avec le bateau, et il est important de respecter leur choix car nous sommes dans leur élément.

En plus des sorties de sensibilisation, vous effectuez un suivi scientifique des populations des cétacés du gouf. Quelles sont vos observations récentes ?

Nous avons commencé des travaux de recherche et de suivi de l’état de santé des populations de cétacés du gouf de Capbreton et étudions notamment le microbiome des globicéphales et des dauphins communs. Plusieurs découvertes majeures ont été faites l’année dernière et cette année. Nous avons eu la chance de découvrir un dauphin atteint de piébaldisme, un trouble congénital rare de la pigmentation cutanée caractérisé par la présence de zones hypopigmentées et dépigmentées, et d’un globicéphale “beige” atteint d’une maladie congénitale appelée leucisme. Les globicéphales (Globicephala melas) sont normalement entièrement noirs, cet individu à la peau beige est une découverte au niveau mondial, aucun individu avec cette caractéristique n’ayant encore jamais été observé. Ces deux individus d’espèces différentes sont pour nous deux “lanternes” dans l’océan. Ils nous permettent de suivre leurs migrations plus facilement et donc d’obtenir des données scientifiques précieuses sur les mouvements migratoires des globicéphales du gouf de Capbreton, qui sont méconnus et très peu étudiés.

Parvenez-vous à rester positif quant à l’avenir de nos océans ?

La nature peut rapidement reprendre ses droits si nous lui laissons du répit et du temps. C’est une course contre la montre, mais j’ai encore de l’espoir, il n’est pas encore trop tard si tout le monde s’y met et que les États respectent leurs engagements

Existe-t-il des solutions simples que chacun peut mettre en place pour réduire son impact sur les océans ?

C’est en tant que consommateurs que nous pouvons aider à réduire notre impact, en sélectionnant mieux les espèces de poissons que nous consommons, leur localité et surtout le type de pêche utilisée. Il faut notamment éviter tout poisson pêché au chalutier et limiter les emballages plastiques. Chacun peut informer ses proches des enjeux climatiques et écologiques auxquels nous faisons face et soutenir des structures, des associations et des ONG qui luttent pour la protection et la conservation de notre biodiversité.

Pour en savoir plus : apex-cetacea.com

 

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Par Gérald Ariano

Dans chaque épisode d’“Une vie de bêtes” sur Ushuaïa TV, Gérald Ariano part à la rencontre des professionnels du monde animal. Chacune de ces rencontres est l’occasion pour lui de travailler à leurs côtés et de découvrir les particularités de ces métiers passionnants.

 

Photos © Clément Brouste