Fascinantes abeilles

Une colonie d’abeilles ressemble à une masse d’insectes identiques. Pourtant, ces insectes sont éminemment complexes, comme nous l’explique Sylla de Saint Pierre.

Les abeilles ont chacune leur personnalité
On perçoit les abeilles comme de petits robots qui travaillent avec acharnement du matin au soir, ce qui est absolument faux. En effet, il existe des flémardes, ce qui est important parce que c’est ce qui équilibre les réactions de la colonie. Si toutes les abeilles agissaient en même temps et de la même manière au moindre stimulus, la réaction serait disproportionnée.
Les abeilles ont des personnalités variées parce qu’elles ont des pères différents, la reine s’accouplant avec une vingtaine de mâles, mais aussi parce qu’elles sont sous l’influence de facteurs épigénétiques, c’est-à-dire ce qui intervient avant la modification des gènes et qui s’acquiert au moment où elles sont élevées. Des abeilles élevées à une température moyenne de 33 °C vont ainsi avoir une personnalité différente de celles élevées à une température moyenne de 35 °C : on peut dire que la chaleur fait le caractère ! Certaines auront par exemple plus d’appétence pour les travaux à l’extérieur de la ruche et deviendront des butineuses plus tôt. Parmi les butineuses, certaines abeilles auront également des vocations particulières, notamment les porteuses d’eau, un métier très dangereux qui se transmet par la lignée des pères.
La reine influence également le caractère de la ruche. Ainsi, chez les guêpes polistes notamment, la reine qui est la moins sensible aux attaques et qui ne s’enfuit pas du nid donne une colonie plus agressive. Il en va de même chez les abeilles : un apiculteur qui ne peut plus approcher sans se faire piquer d’une colonie devenue ingérable peut décider de changer la reine.

 

L’importance de l’odeur chez les abeilles
L’odeur est le premier langage parlé dans le monde animal et 90 % de la communication des insectes passe par l’odeur, appelée phéromone. Les abeilles vivent la plus grande partie de leur vie dans l’obscurité de la ruche et, comme leurs yeux ne leur servent alors à rien, les phéromones jouent un rôle très important. La phéromone royale est émise par la reine pour dire qu’elle est présente, qu’elle pond et qu’elle est en bonne santé, mais c’est aussi celle qui fait que les abeilles sont stériles : elles ne développent pas d’ovaires puisqu’elles n’en ont pas besoin.
La phéromone d’alarme alerte quand il y a un danger ; elle est émise dès qu’une abeille sort son dard. Elle incite des butineuses en train de travailler à se transformer en guerrières et à venir à l’assaut de l’agresseur.
Dans la ruche, les abeilles perçoivent les différentes phéromones du bout de leurs antennes, raison pour laquelle elles se touchent souvent et sont toujours en mouvement. En l’absence de nez, ces antennes sont de précieux récepteurs olfactifs qui reconnaissent chacune des odeurs circulant dans la ruche. Les abeilles les transportent ensuite par frottement des corps et par trophallaxie (échange de nourriture).
Chaque colonie a sa propre odeur, qui s’imprime sur la cuticule des abeilles (leur enveloppe extérieure faite d’une peau très dure) deux ou trois jours après la naissance ; cette odeur varie d’une ruche à l’autre. Mais cela ne s’arrête pas là : la cuticule de l’abeille porte également l’odeur de la lignée paternelle. Les abeilles savent ainsi reconnaître si elles ont affaire à une vraie sœur ou à une demi-sœur.

 

Le courant passe entre les abeilles et les fleurs
Les fleurs émettent une charge électrique négative et les abeilles en vol une charge électrique positive. Quand une abeille se pose sur une fleur, le contact électrique fait qu’elle se couvre de pollen, participant ainsi à la fertilisation de toutes les fleurs. La charge électrique de la fleur baisse au fur et à mesure que son nectar s’épuise, dégageant une phéromone qui avertit les insectes et leur évite de se poser inutilement.
Les fleurs perçoivent par vibration le bruissement des ailes des insectes pollinisateurs qui les incitent à produire du nectar, fait découvert très récemment ! Quand une abeille ou un papillon survole une fleur, celle-ci peut ainsi produire jusqu’à 20 % de nectar en plus.

 

Les abeilles sauvages méritent qu’on s’intéresse à elles
Pendant longtemps, on ne s’est intéressé qu’aux abeilles domestiques qui pollinisent nos cultures et produisent du miel, mais elles ne sont pas les seules pollinisatrices. Il y a 20 000 espèces d’abeilles sauvages dans le monde, dont 2000 en Europe et 1000 en France. Elles sont à 90 % solitaires, ne vivant donc pas en colonie. Elles sont très importantes car les abeilles mellifères ne sont pas capables de polliniser toutes les plantes.
Les abeilles sauvages souffrent de la perte de la biodiversité car elles sont souvent spécialisées dans une ou deux fleurs et ont ainsi adapté leur morphologie à ces fleurs. Inversement, certaines fleurs ne sont pollinisées que par une seule espèce d’abeilles. Leur sort est donc étroitement lié.

 

 

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Yolaine de la Bigne est la fondatrice du site “L’animal et l’homme”. Elle partage avec nous ses rencontres autour des intelligences animales.

Pour écouter plus d’interviews de Sylla de Saint Pierre : www.lanimaletlhomme.com