Interview – Michèle Bourton  & Céline Brusa6 min de lecture

Michèle Bourton est la fondatrice de la pédagogie Candide et Céline Brusa la présidente de l’ONG Candide International. Elles nous parlent de l’école Candide et de leurs projets à l’étranger.

Qu’est-ce que la pédagogie Candide ?
Michèle Bourton : J’ai créé la pédagogie Candide liée à la ronronthérapie en 2012, après avoir démissionné de l’Éducation nationale. Son objectif est de concevoir des écoles de haut niveau, quel que soit le niveau qu’a l’élève au moment où il intègre l’établissement. J’ai donc ouvert une école qui s’appelait Candide, avec 15 élèves par classe, du CP à la 3e générale, pour un total de 75 enfants en 2018. Quinze chats s’y promenaient librement, que ce soit dans la cour ou dans les classes. Chaque matou décidait, selon son humeur, où et vers qui il voulait aller.
Avec la pédagogie Candide, les élèves apprennent ce qu’est un chat, ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas. Ainsi, le problème du bruit dans la classe est rapidement réglé : les élèves sont d’un calme olympien tellement ils désirent avoir un chat sur leurs genoux !
Dans la pédagogie Candide, il n’y a pas un seul devoir à la maison, car cela crée des inégalités terribles entre ceux qui peuvent se faire aider par leurs parents et ceux qui ne le peuvent pas. Ils sont intégrés à l’emploi du temps et réalisés en classe avec le professeur concerné par la discipline. Il n’y a également pas de prise de notes pendant les cours car j’estime que c’est une perte de temps de noter ce qui se trouve déjà dans les manuels. Nous privilégions plutôt l’échange, la discussion, les débats et le développement du sens critique. Les élèves et les professeurs se tutoient, ce qui n’empêche nullement le respect que chacun se doit mutuellement ; l’enfant a plus confiance et ose davantage poser des questions. Enfin, les élèves peuvent se lever quand ils le désirent pour boire et aller aux toilettes, de façon à rester concentrés sur les devoirs.

 

En quoi la présence des chats au sein de l’école a-t-elle été bénéfique ?
Céline Brusa : En raison de son histoire, Michèle a un lien privilégié avec les chats et il était naturel de les avoir près d’elle dans son école. Nous n’avions toutefois pas imaginé tout ce que ces animaux pouvaient apporter aux enfants. Nous avons ainsi assisté à des changements de comportement incroyables et tous les enfants ont vu leurs résultats scolaires progresser significativement. Les chats ont apporté beaucoup de calme et d’apaisement ; les élèves se sentaient beaucoup moins stressés et nous le disaient. Ils ont découvert qu’ils pouvaient être utiles, que les chats avaient besoin d’eux et les attendaient ; leur confiance en eux a vraiment décuplé. Les enfants ont également développé une forme d’empathie les uns envers les autres qui est très différente de celle que l’on voit dans les établissements où il n’y a pas d’animaux. À force de faire attention aux animaux, ils devenaient sensibles les uns aux autres.

Michèle Bourton : Au fil du temps, les chats se sont attribué des rôles. Donald était par exemple notre chat infirmier : quand un élève était malade et se retrouvait à l’infirmerie, le chat arrivait en courant, quel que soit l’endroit où il se trouvait dans l’établissement, et il se mettait sur l’élève et ronronnait. Quand les parents venaient chercher leur enfant, il n’était bien souvent plus souffrant !
Simba était quant à lui notre consolateur : dès qu’un enfant pleurait, le chat montait sur son bureau et le consolait en lui donnant de petits coups de tête, en mettant ses pattes sur son visage et en ronronnant.

 

Comment est née l’ONG Candide International ?
Céline Brusa : Notre école a fermé en mars 2019 parce que les propriétaires souhaitaient vendre les locaux et que nous n’avions pas les moyens de les racheter. Nous avons tout de suite créé l’ONG Candide International parce que nous voulions continuer notre action. Entre-temps, nous avions donné des conférences, avions présenté notre pédagogie à l’ONU et tenions à continuer à la diffuser. Notre objectif est de créer à l’international des écoles dans des réserves animalières. La ronronthérapie, c’est-à-dire le fait d’inclure des chats dans nos établissements, restera toujours l’axe principal de nos actions, mais nous avons élargi nos projets à “l’intelligence animale” dans son ensemble. Si le chat peut avoir une action très spécifique, nous pensons que la médiation par l’animal apporte énormément.
Lors de nos voyages, nous nous sommes rendu compte que dans les pays les plus nécessiteux, les enfants n’avaient pas forcément accès à la connaissance du monde qui les entoure. Ils ne connaissent pas les animaux et la flore et grandissent avec l’idée que ça leur est complètement étranger ; ils ne développent pas forcément de respect pour ces formes de vie. Les personnes haut placées qui s’occupent du développement de ces pays, notamment le Bénin, nous ont ainsi demandé de créer avec elles des programmes pour que les enfants puissent connaître le monde qui les entoure et ainsi devenir des adultes responsables capables d’améliorer le futur de leur pays.

Michèle Bourton : Ces écoles dispenseront des cours de français, de mathématiques, d’anglais, de sciences ou encore d’histoire, c’est-à-dire toutes les matières qui permettent de passer des diplômes. Il y aura en plus un cursus “connaissance du monde de la nature”, aussi bien animal que floral. Par exemple, au Bénin, tous les vendredis après-midi, les élèves sortiront dans la réserve animalière pour étudier les animaux qui y vivent. Il y aura une vraie interaction possible ; il peut se passer tellement de choses à travers un regard. Quand nous apprenons à communiquer avec les animaux, nous ne pouvons qu’avoir envie de les protéger.
Nous avons la chance d’avoir reçu l’autorisation du ministère de l’Éducation et du ministère de l’Environnement du Bénin de développer notre projet d’école. Ils ont été immédiatement emballés par ce concept unique au monde et souhaitent en parler aux pays voisins d’Afrique de l’Ouest pour créer un réseau Candide dans les réserves et sanctuaires animaliers.

© Valentin Williet

 

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Propos recueillis par Élodie Plassat