Dans une étude publiée dans la revue "Cell" le 19 septembre, une équipe internationale de recherche, dirigée par une scientifique...
LireLe deuil des mères primates
L’étude, publiée le 15 septembre dernier dans Proceedings of the Royal Society B, a été menée à partir de la compilation d’anecdotes rapportées dans 126 publications sur le comportement des primates. Les chercheurs ont ainsi entrepris une analyse quantitative et approfondie du comportement connu sous le nom de “portage de cadavre de nourrisson” chez les mères primates, en examinant 409 cas chez 50 espèces.
Bien qu’il y ait encore un débat parmi les scientifiques pour savoir si les primates sont conscients ou non de la mort, cette nouvelle étude suggère que les mères primates pourraient avoir conscience de la mort, ou être capables de l’apprendre avec le temps.
La Dre Alecia Carter, coauteure de l’étude, explique : « Notre étude indique que les primates pourraient être capables d’apprendre la mort de la même manière que les humains : il faudrait peut-être de l’expérience pour comprendre que la mort se traduit par un arrêt des fonctions de longue durée. Ce que nous ne savons pas, et que nous ne saurons sans doute jamais, c’est si les primates peuvent comprendre que la mort est universelle et que tous les animaux – y compris eux-mêmes – mourront. Notre étude a également des répercussions sur ce que nous savons de la façon dont le deuil est traité chez les primates non humains. On sait que les mères humaines qui vivent une mortinaissance et qui peuvent tenir leur bébé dans leurs bras sont moins susceptibles de souffrir de dépression grave, car elles ont la possibilité d’exprimer leur lien. Certaines mères primates peuvent également avoir besoin du même temps pour faire face à leur perte, ce qui montre à quel point les liens maternels sont forts et importants pour les primates, et plus généralement pour les mammifères. »
Dans l’ensemble, 80 % des espèces étudiées ont manifesté un comportement de portage de cadavre. Bien qu’il soit largement répandu dans l’ordre des primates, ce comportement est plus fréquent chez les grands singes et les singes de l’Ancien Monde. L’équipe a constaté que l’espèce de primates est un facteur déterminant dans le fait de porter ou non les corps des nourrissons ; les primates qui ont divergé il y a longtemps, comme les lémuriens, ne portent pas les corps des nourrissons après la mort, mais expriment tout de même leur chagrin par d’autres comportements, comme le fait de retourner auprès du cadavre.
Les chercheurs ont également constaté que les mères les plus jeunes sont davantage susceptibles de porter leurs enfants après leur mort. Par ailleurs, les infanticides ou les accidents semblent moins susceptibles d’entraîner un tel comportement que les décès causés par des événements non traumatiques, comme la maladie. De plus, les nourrissons sont portés plus longtemps lorsqu’ils meurent très jeunes, avec un déclin brutal lorsqu’ils atteignent environ la moitié de l’âge du sevrage.
Elisa Fernández Fueyo, coauteure de l’étude, a déclaré : « Nous montrons que les mères qui étaient plus fortement liées à leur nourrisson au moment de la mort portent le cadavre plus longtemps, les émotions pouvant jouer un rôle important. Cependant, notre étude montre également que, grâce à l’expérience de la mort et aux indices externes, les mères primates peuvent acquérir une meilleure conscience de la mort et donc “décider” de ne pas porter leur enfant mort avec elles, même si elles peuvent encore ressentir des émotions liées à la perte. Nous avons découvert que les liens, en particulier le lien entre la mère et le nourrisson, sont probablement à l’origine des réactions des primates face à la mort. En raison de notre histoire évolutive commune, les liens sociaux humains sont similaires à bien des égards à ceux des primates non humains. Il est donc probable que les pratiques mortuaires humaines et le deuil trouvent leur origine dans les liens sociaux. Les comportements thanatologiques que nous observons aujourd’hui chez les primates non humains peuvent avoir été présents chez les premières espèces humaines également et ils ont pu se transformer en différents rituels et pratiques au cours de l’évolution humaine. »
Source : phys.org