Les oiseaux de France se portent-ils bien ?

Depuis plus de 30 ans, le programme de suivi temporel des oiseaux communs (STOC) recense l’avifaune française selon un protocole répété chaque année par un réseau d’ornithologues bénévoles répartis sur tout le territoire. Le rapport paru en mai dernier confirme que de nombreuses espèces ont connu un fort déclin au cours des trois dernières décennies.

Largement distribués, occupant de nombreuses niches écologiques et présentant des régimes alimentaires variés, les oiseaux sont d’excellents indicateurs de l’état de santé des écosystèmes. C’est pourquoi l’état de conservation des oiseaux est scruté de près depuis plus de 30 ans. Les dizaines de millions de données collectées sur le terrain par plus de 2000 observateurs depuis 1989 sont compilées et analysées afin de mesurer l’évolution des populations des 123 espèces d’oiseaux les plus communes en France.

Le bilan 1989-2019 publié par la LPO, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’OFB (Office français de la biodiversité) est contrasté : certes, 32 espèces sont en expansion, comme le rouge-queue à front blanc ou la fauvette à tête noire, mais 43 régressent, telles que le chardonneret élégant, la tourterelle des bois ou l’hirondelle de fenêtre. Les autres sont stables ou en trop faible effectif pour déterminer une tendance significative. L’impact du réchauffement climatique est également perceptible. Il a par exemple été démontré que les populations d’oiseaux se décalent vers le nord pour tenter de rester dans les zones où la température leur convient.

 

Une hécatombe urbaine et agricole
Les oiseaux qui se reproduisent principalement en milieu urbain, comme les hirondelles ou le moineau friquet, y ont trouvé une alternative à leur habitat naturel d’origine. Cette faune si familière est pourtant en fort déclin. La transformation des bâtiments et la rénovation des façades détruisent les cavités dans lesquelles nichent certaines espèces ; l’artificialisation toujours plus forte des milieux urbains diminue leurs ressources alimentaires ; la pollution due aux transports et aux activités industrielles a également un impact sur leur santé. La situation est pire pour les oiseaux inféodés aux milieux agricoles, tels que l’alouette des champs et les perdrix, qui ont perdu près du tiers de leurs effectifs en 30 ans. Le modèle agricole intensif développé après-guerre et encouragé par la PAC (politique agricole commune) est en grande partie responsable, pour avoir fait disparaître ou transformé leurs habitats et pour avoir diffusé massivement des produits chimiques, dont les pesticides qui ont bouleversé les équilibres alimentaires, décimé les insectes et abîmé durablement les sols.

 

Une fausse bonne nouvelle
Seuls quelques oiseaux capables de s’adapter connaissent une progression démographique, comme le pigeon ramier, le geai des chênes ou la mésange bleue. Hélas, ce phénomène d’accroissement des espèces dites “généralistes” au détriment des “spécialistes” révèle en fait une uniformisation de la faune sauvage, signe d’une banalisation croissante des habitats et d’une perte de biodiversité.
À l’origine de plus d’une centaine de publications scientifiques internationales, le STOC permet aussi d’orienter et d’évaluer les politiques publiques en matière de conservation de la biodiversité. Ces analyses ont par exemple confirmé l’efficacité des réserves naturelles où les populations d’oiseaux se portent mieux qu’en dehors, et démontré l’intérêt des aides financières conditionnées “scénarios verts 1” qui doivent être développées dans le projet de la nouvelle PAC.

 

“Grâce aux nouvelles technologies, les sciences participatives connaissent un véritable engouement citoyen et offrent aux chercheurs des volumes de données considérables autrefois impossibles à recueillir. Le STOC joue aussi un rôle crucial de lanceur d’alerte qui nous démontre scientifiquement l’urgence d’agir pour sauver les oiseaux et, avec eux, toute la pyramide du vivant.” Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO

Source : Muséum national d’Histoire naturelle