Pourquoi sommes-nous si sensibles aux pleurs des chiots ?

Entendre un chiot pleurer induit une forte réaction émotionnelle chez les humains. Pour la plupart d’entre nous, il est très difficile de rester indifférent et notre réaction naturelle sera de vérifier si ce petit animal sans défense a besoin de notre aide. Mais pourquoi ces cris attirent-ils tant notre attention ? Une équipe de scientifiques de l’université de Saint-Étienne, du CNRS et de l’INRAE menée par Mathilde Massenet, doctorante de l’ENES, et supervisée par les professeurs David Reby et Nicolas Mathevon s’est lancée dans une étude pour le découvrir.

Les scientifiques se sont concentrés sur un aspect spécifique de ces cris : des perturbations vocales appelées phénomènes non linéaires. Ces irrégularités sont responsables de la rugosité qui caractérise les vocalisations de détresse animales, dont les cris des bébés humains. Mais affectent-elles réellement notre perception de la détresse des chiots ?

Pour étudier cela, les chercheurs ont utilisé des méthodes innovantes de synthèse sonore afin de créer des pleurs de chiots auxquels ils ont ajouté différents niveaux de phénomènes non linéaires. Ils ont joué ces stimuli acoustiques à plus de 400 auditeurs humains, dont des éleveurs canins et des vétérinaires, et leur ont demandé d’évaluer le niveau de détresse qu’ils percevaient dans ces pleurs. Ils ont constaté que les auditeurs étaient sensibles aux propriétés acoustiques des pleurs car ils percevaient des niveaux de détresse plus élevés dans des cris plus chaotiques. Ils ont également observé que les professionnels, déclarant utiliser régulièrement les pleurs des chiots pour évaluer leurs besoins, avaient développé une oreille plus fine car ils prêtaient aussi attention à des perturbations plus subtiles, appelées sous-harmoniques et bandes latérales.

Cela suggère que « notre sensibilité à la rugosité des pleurs des chiots est plus développée chez les auditeurs expérimentés qui ont régulièrement besoin d’évaluer les besoins des chiots afin d’ajuster les soins qu’ils leur prodiguent », explique Mathilde Massenet. « Est-ce que les chiots crient au loup ? Des travaux à venir pourraient évaluer si la domestication a favorisé l’utilisation de phénomènes non linéaires comme moyen d’exploiter l’attention humaine, en examinant par exemple si les louveteaux produisent aussi des cris avec un tel niveau de rugosité », commente David Reby. « En effet, ces mêmes irrégularités vocales sont également utilisées par les parents humains pour détecter la détresse et la douleur dans les pleurs de leurs bébés », ajoute Nicolas Mathevon. Cette étude fait partie d’un projet plus large visant à améliorer notre compréhension de la communication vocale chien-humain.