Une méthode de biosurveillance humaine révèle la pollution à laquelle les chimpanzés sont exposés3 min de lecture

Une méthode de biosurveillance habituellement appliquée aux cheveux humains a été utilisée pour rechercher 152 polluants dans les poils de chimpanzés sauvages du parc national de Kibale, en Ouganda, et de chimpanzés captifs de la réserve africaine de Sigean, en France.

L’équipe de recherche du Sebitoli Chimpanzee Project/Muséum national d’Histoire naturelle a collecté les poils laissés par les chimpanzés sauvages dans les nids qu’ils construisent le soir pour passer la nuit. Après un an et demi de collecte, les substances chimiques contenues dans les poils de 20 individus ont pu être analysées. Par ailleurs, les poils de 9 chimpanzés du parc animalier de Sigean ont été prélevés et étudiés pendant deux périodes distinctes.

La première tonte, sur quelques centimètres de fourrure, a permis d’analyser les polluants présents alors que les chimpanzés du zoo avaient reçu une alimentation conventionnelle. Le deuxième prélèvement a été réalisé après une période de 6 mois durant laquelle les chimpanzés avaient reçu une alimentation composée de fruits et de légumes bio et alors que tous les objets en plastique (jouets, contenants…) avaient été retirés de leur enclos.

L’analyse des poils (réalisée au Luxembourg lnstitute of Health) de l’ensemble des chimpanzés étudiés a permis de détecter au total 90 polluants sur les 152 recherchés (insecticides, herbicides…). Elle montre que les poils des chimpanzés captifs contiennent une plus grande quantité de polluants que ceux des chimpanzés sauvages, ainsi qu’une plus grande diversité (79 pour les chimpanzés du parc animalier contre 60 pour les chimpanzés sauvages). Jusqu’à 72 polluants ont été détectés chez un même chimpanzé du parc animalier, et jusqu’à 43 polluants chez un même chimpanzé sauvage.

Un nombre étonnamment élevé quand on considère que le territoire de Sebitoli ne couvre que 20 km. Il révèle la forte exposition des chimpanzés sauvages à la multitude d’intrants chimiques utilisés par l’agriculture intensive (maïs, thé…) et vivrière présente autour de leur territoire forestier. Une partie de ces intrants avaient été détectés précédemment dans l’eau des rivières qui traversent le territoire.

Les résultats de l’étude montrent aussi qu’à Sigean, après consommation de fruits et de légumes bio pendant 6 mois, le nombre des polluants détectés dans les poils de chimpanzés de Sigean a diminué, passant de 79 à 63, ainsi que leur concentration.

En conclusion, cette étude montre que l’analyse des poils des animaux est une méthode efficace pour évaluer l’exposition cumulée aux polluants environnementaux des animaux sauvages, lesquels représentent des sentinelles pour la santé humaine. Elle prouve que l’alimentation biologique permet de réduire cette exposition chez des individus en captivité et souligne l’urgence qu’il y a à modifier les pratiques agricoles et à réduire les intrants chimiques en bordure des aires protégées pour préserver la santé de la faune sauvage. Elle montre enfin que l’exposition à la pollution environnementale des chimpanzés, qui sont menacés de disparition dans un futur proche, représente un risque très sérieux, alors qu’il est beaucoup moins connu que le braconnage ou la déforestation.

Source : MNHN