Rencontre – Vincent Munier

Ces dernières années, la panthère des neiges a occupé la plupart de vos voyages. Pour quelle raison ?
Je reste un grand gamin qui se nourrit encore de ses rêves et d’images d’animaux mythiques. Cette panthère, je l’ai découverte à travers les récits d’aventures du biologiste américain George B. Schaller. Dans le Chitral, au Pakistan, il l’avait filmée dans les années 1970. Mais en partant pour la première fois au Tibet, en 2011, je croyais modérément à la possibilité de la voir. En revanche, je savais que j’allais croiser d’autres espèces tout aussi énigmatiques. J’ai ainsi passé un mois sans la voir – juste une trace –, mais c’était passionnant de la savoir présente. C’est d’abord le yack sauvage, animal totem d’une autre époque, probablement contemporain des mammouths ou rhinocéros laineux, qui m’a attiré sur ces hauts plateaux. Tout comme les bœufs musqués en Arctique. La panthère, au fond, est un prétexte. Un prétexte somptueux, mais un prétexte.

Qu’est-ce qui vous a fait revenir si souvent sur ses traces ?
Tout comme en Arctique, j’aime revenir sur les mêmes lieux… J’aime les découvrir à mon rythme, petit à petit, au long cours, souvent seul. Quelle satisfaction d’apprendre doucement à lever le voile sur les bêtes sauvages, à force de les imaginer, de les pister, de les observer ! J’ai en effet toujours préféré me concentrer plusieurs années de suite sur un sujet plutôt que de papillonner et de passer d’un reportage à un autre : fuir les commandes, suivre mon instinct.
Concernant le Tibet, je dois en être à mon huitième voyage. Je les ai entrepris au départ pour des photos et un livre, puis s’est imposée cette envie de film, avec une petite équipe de deux à trois personnes maximum pour éviter de déranger et être souples et flexibles dans ces milieux compliqués de très haute altitude. Léo-Pol Jacquot travaille à mes côtés depuis huit ans, essentiellement au bureau : j’étais ravi de l’éloigner un peu de ses écrans et de l’embarquer là-haut ! N’ayant quasi aucune expérience de terrain, il m’a épaté par sa capacité à s’adapter. Marie Amiguet avait quant à elle un regard neuf à offrir sur les lieux, une sensibilité singulière ; et j’appréciais sa discrétion de panthère. Sa mission était de nous suivre en se faisant oublier, pour nous filmer sans aucune mise en scène afin d’être au plus proche de la réalité. Cette méthode amène son lot de maladresses ou de faiblesses techniques, mais aussi une certaine sincérité des moments saisis. L’objectif, c’était que soient captées les émotions telles qu’elles nous traversaient.

Dans La Panthère des neiges, l’écrivain Sylvain Tesson accompagne. Comment le voyage s’est-il organisé ?
Sylvain et moi nous étions déjà croisés plusieurs fois, et il avait émis le désir de me suivre en affût. Je connaissais ses écrits d’aventures, mais c’est spécialement son livre Sur les chemins noirs qui m’a séduit. On y sentait une fibre écologique en filigrane. Naturellement, je l’ai invité pour clôturer mes aventures par un livre avec ses textes, et ce film. Comme souvent, j’ai à cœur de lancer des passerelles : transmettre l’émerveillement, suivre le rythme lent de la nature dont on s’imprègne complètement au fil des heures et des observations.
Il s’agissait donc de filmer l’échange entre lui et moi autour d’un même rêve, tout en utilisant les images animalières accumulées lors de mes précédentes aventures là-haut. En parallèle, l’idée était de proposer un bel objet associé, un album dont les photos porteraient des légendes rédigées par l’écrivain. C’est mon côté artisan : suivre toutes les étapes à mon rythme, pour être au plus près de ce que je veux réellement partager, sans contraintes ni pression.

En partant au Tibet, étiez-vous assuré de voir une panthère des neiges ?
Ce qui est fort, dans ce projet, c’est que tout s’est aligné. Il n’y avait pourtant rien d’évident, au départ, à ce que cette combinaison fonctionne. Et absolument aucune garantie que Sylvain finisse effectivement par la voir, cette panthère. Et puis, les tout derniers jours, elle s’est montrée ! Quand je me suis extirpé du duvet et de la grotte, et que je l’ai vue manger sa proie, tuée la veille, c’était un moment incroyable ! Quelque chose d’impossible à scénariser au préalable, évidemment.

Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre avec la panthère des neiges ?
Quel moment ! Mais c’est d’abord le pistage qui est passionnant : chercher les traces, lire les indices, passer des journées entières les yeux rivés aux jumelles. C’est tellement excitant de la pister ! Elle a un petit côté diabolique, au fond, à nous observer en permanence sans que nous soyons capables de l’apercevoir. Elle nous oblige à fonctionner un peu comme elle : à nous cacher, à nous camoufler, à ne surtout pas être intrusifs. Voilà ce qu’elle nous apporte. La première fois, les choses sont allées doucement crescendo : d’abord, des traces anciennes, puis des traces fraîches, un cri de corbeau (qui suggérait la présence d’un prédateur dans le coin), le temps qui change (ce qui pousse souvent les animaux à se déplacer)… Et alors que j’alignais des heures et des heures d’observation dans les jumelles, elle est soudain entrée dans mon champ de vision. Elle est passée sans me voir ! C’était comme une parfaite entrée de champ dans un film animalier. J’ai ressenti d’autant plus de satisfaction que je ne l’avais pas perturbée dans son déplacement.

Vous avez emmagasiné une connaissance très fine de la nature et de ses habitants au fil des reportages. Votre instinct joue-t-il aussi un rôle dans vos déplacements et dans vos prises de décision ?
Oui, un rôle énorme. Je crois très fort en la notion d’instinct. Il est difficile de décrire la façon dont notre corps est partie prenante dans ces moments-là, dans nos réactions et les choix que nous faisons. Notre être s’imprègne de tout : tous nos sens sont mobilisés ; nous entrons comme en vibration avec l’espace qui nous entoure et le vivant qui l’habite. Les émotions sont littéralement exacerbées, et notre part animale retrouve enfin le moyen de s’exprimer. Cependant, les échecs sont réguliers – et tant mieux ! Ils nous permettent de nous rendre compte à quel point nous sommes vulnérables là-bas.

Vous dites dans le film : « Je n’ai pas une démarche de photojournaliste, à montrer ce qui ne va pas dans la nature. » Recueillir ses beautés, n’est-ce pas un peu faire l’inventaire de ce qui va bientôt disparaître ?
C’est tristement vrai ! Et il se trouve que je ne suis pas assez armé pour poser mes caméras là où c’est dur, sombre, là où l’horreur s’est imposée. Je rends d’ailleurs hommage à ceux qui sont capables de s’y confronter. Moi, par nature, je tends à me nourrir de la poésie, de la beauté, même lorsqu’elle est extrêmement vulnérable, et j’aurais bien du mal à me faire le témoin uniquement de catastrophes écologiques.

Depuis quelques années, vous filmez plus souvent que vous ne photographiez. Pour quelle raison ?
Je me suis pris au jeu dès que la fonction caméra a été ajoutée sur nos boîtiers photo, il y a une dizaine d’années. Au point que, dans les Asturies, où j’ai récemment réalisé un film sur les ours, je n’ai pas fait de photos du tout. Il me semble que l’image en mouvement est un moyen un peu plus évident pour faire passer des émotions. Pouvoir également intégrer du son, qui transmet ainsi l’écho du paysage, ses ambiances, ses résonances, c’est excitant. Mais un film, c’est aussi plus long et plus lourd à mettre en œuvre.

Après l’avoir croisée à plusieurs reprises, la panthère vous fait-elle encore rêver aujourd’hui ? Que représente-t-elle à vos yeux ?
La première rencontre est forcément inoubliable. Comme toutes les premières fois essentielles : avec le lynx boréal chez nous en France, que j’ai attendu pendant 15 ans, après moult bivouacs. Je l’entendais feuler, mais de là à le voir ! Et enfin, le jour où il se montre, on approche quelque chose de l’ordre de l’absolu, qui nous hante pendant longtemps. De même, je me sens hanté par le souvenir de la présence fantomatique de la première meute de loups blancs que j’ai observée dans le Haut-Arctique canadien. On finit par se demander si ces visions relèvent du fantasme ou de la réalité, tant elles nous habitent. Et il n’y a pas que l’image ! Les odeurs, les bruits : tout nous imprègne durablement. Quelque chose d’extérieur à nous vient se loger en notre intérieur, et nous met en mouvement. Comme l’a fait le tout premier chevreuil que j’ai photographié à l’âge de 12 ans, et qui a fait basculer ma vie. Voilà l’effet que produit la panthère des neiges sur moi encore aujourd’hui.

ExplOre : la ville d’Orléans met la nature à l’honneur

La métropole d’Orléans a à cœur d’accompagner la transition écologique. C’est pourquoi, épaulée de Loiret Nature Environnement, Xapiéma et le MOBE, elle a décidé de lancer une application d’apprentissage et d’observation de la biodiversité locale. ExplOre veut s’adresser au plus grand nombre et rendre accessibles les connaissances sur la faune et la flore.

Le promeneur curieux peut découvrir le nom d’une plante qui lui est inconnue ou un orléanais sur le chemin du travail peut apprendre à reconnaître un oiseau par son chant. L’apprentissage se fait partout et tout le temps. La reconnaissance visuelle a été travaillée grâce à un partenariat avec l’application Pl@ntnet. De plus, près de 20 000 espèces de plantes sont d’ores et déjà été intégrées au répertoire.

En partageant ses observations, chaque utilisateur enrichit la base de données d’ExplOre et devient ainsi un acteur à part entière du programme. Ce système de partage permet un échange riche entre les internautes. Cet outil permet à la fois de sensibiliser les orléanais à la nature et à la biodiversité tout en leur faisant découvrir les richesses qui les entoure.

Bientôt les insectes et les chauves-souris viendront compléter l’inventaire de l’application.

 

Source : Orléans métropole

Découverte de deux espèces de vers plats terrestres

Depuis maintenant plus de dix ans, on peut observer une forte progression de la présence des vers plats terrestres en Europe  dont plus de dix espèces sont présentes en France. Un comité de recherche composé de chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris, du Muséum de Bordeaux, de l’Université de Szczecin en Pologne, du Département d’Agronomie de Padoue en Italie et de l’Université James Cook en Australie, a étendu cet inventaire à deux nouvelles espèces.

De ces deux nouveaux types de « vers plats à tête de marteau », une première espèce a été identifiée comme provenant d’Asie, c’est le Humbertium covidum. Elle est assez petite puisqu’elle ne mesure que 30 mm de longueur et est d’une couleur noire métallique. Ces vers se nourrissent essentiellement de petits escargots. La seconde espèce à avoir été découverte se nomme Diversibipalium mayottensis, mesurant la même taille, elle se caractérise par sa couleur vert-bleu irisé. Elle aurait été importée par l’Homme depuis Madagascar . Ces deux vers sont directement afilliés à la famille des Bipaliinae de par leur anatomie, leur morphologie et les caractères des mytogénomes complets auxquels ont eu recours les chercheurs.

Cette découverte est importante à la fois pour la recherche naturaliste et pour la connaissance des espèces qui pourraient éventuellement être envahissantes. En effet, si leur activité venait à devenir une menace pour la biodiversité de leur nouvel habitat, les désastres seraient autant écologique que financiers.

Référence : Justine, J.-L., Gastineau, R., Gros, P., Ruzzier, E., Charles, L., & Winsor, L. (2022). Hammerhead flatworms (Platyhelminthes, Geoplanidae, Bipaliinae): mitochondrial genomes and description of two new species from France, Italy, and Mayotte. 

Source : MNHN

Photo : © Pierre Gros

Que nous apprennent les papillons planeurs de la forêt amazonienne sur l’évolution du vol ?

 Si les papillons Morphos sont avant tout célèbres pour leur bleu iridescent, leur vol nous en fait voir de toutes les couleurs. Alors que la plupart des Morphos volent près du sol, dans le foisonnement du sous-bois tropical, quelques espèces se sont installées beaucoup plus haut, dans la canopée. Comment ce changement d’habitat a-t-il affecté l’évolution du vol de ces papillons ?

Pendant plusieurs mois, dans le nord du Pérou, une équipe de chercheurs et chercheuses du CNRS et du Muséum national d’Histoire naturelle a filmé ces papillons en vol, dans leur milieu naturel et en captivité. L’analyse de ces films montre que ce passage du sous-bois à la canopée a profondément affecté l’évolution du vol. Dans les espèces de sous-bois, on observe ainsi un vol battu puissant et rapide, probablement avantageux dans leur milieu dense et encombré. Dans les espèces de canopée, on observe au contraire de longs vols planés qui leur permettent de parcourir de longues distances à moindre dépense énergétique dans l’environnement ouvert de la canopée. Mais cette évolution du vol est-elle due à un changement de morphologie ou à une différence de comportement ?

De retour au laboratoire, et en collaboration avec une équipe de physiciens néerlandais, les scientifiques ont modélisé les performances aérodynamiques associées à la forme des ailes des différentes espèces de Morphos. Les modèles aérodynamiques apportent une réponse sans équivoque : la forme des ailes, plus triangulaire et plus allongée chez les espèces de canopée, confère à leur vol plané une bien meilleure efficacité.

En combinant les approches biologiques et physiques reliant observations naturalistes, analyse des comportements de vol et modélisation aérodynamique, cette étude met en évidence le rôle de la morphologie dans l’adaptation à un nouveau milieu, la canopée. Elle représente une étape majeure dans la compréhension de l’évolution des niches écologiques de la forêt Amazonienne et du rôle de la coévolution entre forme des ailes et comportement de vol dans l’adaptation des papillons à des environnements contrastés.

 

Source : MNHN

Les selfies mettent en danger les orangs-outans

En examinant des photos postées sur Instagram par des touristes qui se sont rendus en Indonésie, notamment dans le parc national de Gunung Leuser, une équipe de chercheurs comprenant des membres de l’université d’Oxford Brookes en sont arrivés à la conclusion que leur conduite inappropriée menace la survie des orangs-outans, déjà en danger critique d’extinction, en transmettant des virus humains comme le Covid-19. En effet, les visiteurs ne respectent pas les 10 m de distance entre eux et les animaux, s’approchent d’eux pour prendre des selfies, les câlinent et leur donnent à manger.

L’auteur principal de l’étude, parue dans Folia Primatologica en décembre dernier, Andrea Molyneaux, biologiste de la conservation basée dans le nord de Sumatra explique : « Le risque de transmission de zoonoses entre les visiteurs et les orangs-outans est extrêmement préoccupant. Il existe des règles dans les parcs nationaux qui informent les visiteurs des risques, mais nos résultats indiquent que les touristes ne semblent pas en être conscients. Nous avons désespérément besoin de promouvoir la sensibilisation à ces règles afin que les visiteurs sachent qu’ils ne doivent pas s’approcher des orangs-outans. »

Emma Hankinson, écologiste et doctorante à l’université d’Oxford Brookes, poursuit : « J’ai beaucoup travaillé à Sumatra et j’ai été témoin de ces comportements. Il existe un potentiel important de transmission de maladies entre les visiteurs et les orangs-outans. »

« Le monde s’ouvre de plus en plus et il en va de même pour le tourisme, explique quant à elle Ashley Leiman, directrice et administratrice de l’Orangutan Foundation. Les visiteurs doivent changer de comportement de toute urgence s’ils veulent continuer à observer les orangs-outans. »

Les criquets et sauterelles étaient omniprésents il y a 300 millions d’années

Les insectes fossiles datant d’il y a environ 300 millions d’années sont difficiles à rattacher aux groupes d’insectes actuels. Ctenoptilus frequens, qui appartient aux lobéattides, un groupe aussi diversifié qu’abondant à cette époque et que l’on reconnaît grâce aux nervures de leurs ailes, a notamment été associé à divers ordres aujourd’hui peu diversifiés, comme les orthoptères.

L’analyse d’un échantillonnage exceptionnel livré par le gisement de Xiaheyan (Chine) a permis d’étudier la structure de l’abdomen d’une nouvelle espèce d’insectes lobéattides : Ctenoptilus frequens. Ces insectes disposaient de caractéristiques semblables à celles des orthoptères. En effet, ils étaient dotés d’un ovipositeur (appendice abdominal servant à déposer les œufs) composé de trois paires de valves en forme d’épée et de deux systèmes d’articulation de ces valves.

La préservation exceptionnelle des spécimens a également permis de déterminer leur régime alimentaire d’après la forme de leurs mandibules, comparée à celle d’insectes actuels. Cette nouvelle espèce était omnivore, ce qui est cohérent avec la rareté d’attaques trouvées sur le feuillage des forêts carbonifères et l’abondance des lobéattides à cette époque.

Enfin, cette étude témoigne de la grande diversité des faunes anciennes d’insectes comparées à celle de la faune actuelle, dominée par les insectes “à métamorphose” (comme les mouches, les guêpes et les scarabées).

 

Source : CNRS 

© Xiaoran Zuo / eLife

L’origine des chevaux domestiques enfin établie

Par qui et où le cheval moderne a-t-il été domestiqué ? Et quand a-t-il conquis le reste du monde, supplantant la myriade d’autres types de chevaux qui existaient alors ? Cette énigme vient enfin d’être résolue grâce à une équipe de 162 scientifiques spécialisés en archéologie, paléogénétique et linguistique.

Il y a quelques années, l’équipe de Ludovic Orlando, paléogénéticien du CNRS, s’était intéressée au site de Botaï, en Asie centrale, qui a livré les plus anciennes traces archéologiques de chevaux domestiques. Mais l’ADN avait parlé : ces chevaux vieux de 5500 ans n’étaient pas les ancêtres des chevaux domestiques modernes. Outre les steppes d’Asie Centrale, tous les autres foyers présumés de domestication se sont révélés être de fausses pistes, comme l’Anatolie, la Sibérie et la péninsule Ibérique. Cette fois, l’équipe scientifique a donc entrepris de passer l’Eurasie tout entière au peigne fin : les génomes de 273 chevaux ayant vécu entre 50 000 et 200 ans avant notre ère ont été séquencés au Centre d’anthropobiologie et de génomique de Toulouse et au Genoscope, avant d’être comparés aux génomes des chevaux domestiques modernes.

Cette stratégie s’est révélée payante : si l’Eurasie était jadis peuplée par des populations de chevaux bien distinctes sur le plan génétique, la situation a changé du tout au tout 2000 à 2200 ans avant notre ère. Un profil génétique auparavant cantonné aux steppes pontiques (nord du Caucase) a commencé à s’étendre au-delà de sa région d’origine avant de remplacer, en quelques siècles à peine, toutes les populations de chevaux sauvages de l’Atlantique à la Mongolie.

Comment expliquer cet essor démographique fulgurant ? Les scientifiques ont trouvé deux différences marquantes entre le génome de ce cheval et ceux des populations qu’il a remplacées. Elles laissent penser que ces chevaux doivent leur succès à leur comportement plus docile et à une colonne vertébrale plus solide, deux caractéristiques commodes au moment où la demande pour des déplacements à cheval se “mondialisait”.

L’étude révèle aussi que ce cheval s’est répandu à travers l’Asie en même temps que les chariots, la roue à rayons et les langues indo-iraniennes. En revanche, les migrations vers l’Europe de populations indo-européennes des steppes au cours du troisième millénaire avant notre ère n’ont pas pu s’appuyer sur l’usage du cheval, sa domestication et sa diffusion étant postérieures. Voilà qui démontre tout l’intérêt d’intégrer l’histoire des animaux pour éclairer les migrations humaines et les rencontres entre cultures.

 

Source : CNRS

Le deuil des mères primates

L’étude, publiée le 15 septembre dernier dans Proceedings of the Royal Society B, a été menée à partir de la compilation d’anecdotes rapportées dans 126 publications sur le comportement des primates. Les chercheurs ont ainsi entrepris une analyse quantitative et approfondie du comportement connu sous le nom de “portage de cadavre de nourrisson” chez les mères primates, en examinant 409 cas chez 50 espèces.
Bien qu’il y ait encore un débat parmi les scientifiques pour savoir si les primates sont conscients ou non de la mort, cette nouvelle étude suggère que les mères primates pourraient avoir conscience de la mort, ou être capables de l’apprendre avec le temps.
La Dre Alecia Carter, coauteure de l’étude, explique : « Notre étude indique que les primates pourraient être capables d’apprendre la mort de la même manière que les humains : il faudrait peut-être de l’expérience pour comprendre que la mort se traduit par un arrêt des fonctions de longue durée. Ce que nous ne savons pas, et que nous ne saurons sans doute jamais, c’est si les primates peuvent comprendre que la mort est universelle et que tous les animaux – y compris eux-mêmes – mourront. Notre étude a également des répercussions sur ce que nous savons de la façon dont le deuil est traité chez les primates non humains. On sait que les mères humaines qui vivent une mortinaissance et qui peuvent tenir leur bébé dans leurs bras sont moins susceptibles de souffrir de dépression grave, car elles ont la possibilité d’exprimer leur lien. Certaines mères primates peuvent également avoir besoin du même temps pour faire face à leur perte, ce qui montre à quel point les liens maternels sont forts et importants pour les primates, et plus généralement pour les mammifères. »
Dans l’ensemble, 80 % des espèces étudiées ont manifesté un comportement de portage de cadavre. Bien qu’il soit largement répandu dans l’ordre des primates, ce comportement est plus fréquent chez les grands singes et les singes de l’Ancien Monde. L’équipe a constaté que l’espèce de primates est un facteur déterminant dans le fait de porter ou non les corps des nourrissons ; les primates qui ont divergé il y a longtemps, comme les lémuriens, ne portent pas les corps des nourrissons après la mort, mais expriment tout de même leur chagrin par d’autres comportements, comme le fait de retourner auprès du cadavre.
Les chercheurs ont également constaté que les mères les plus jeunes sont davantage susceptibles de porter leurs enfants après leur mort. Par ailleurs, les infanticides ou les accidents semblent moins susceptibles d’entraîner un tel comportement que les décès causés par des événements non traumatiques, comme la maladie. De plus, les nourrissons sont portés plus longtemps lorsqu’ils meurent très jeunes, avec un déclin brutal lorsqu’ils atteignent environ la moitié de l’âge du sevrage.
Elisa Fernández Fueyo, coauteure de l’étude, a déclaré : « Nous montrons que les mères qui étaient plus fortement liées à leur nourrisson au moment de la mort portent le cadavre plus longtemps, les émotions pouvant jouer un rôle important. Cependant, notre étude montre également que, grâce à l’expérience de la mort et aux indices externes, les mères primates peuvent acquérir une meilleure conscience de la mort et donc “décider” de ne pas porter leur enfant mort avec elles, même si elles peuvent encore ressentir des émotions liées à la perte. Nous avons découvert que les liens, en particulier le lien entre la mère et le nourrisson, sont probablement à l’origine des réactions des primates face à la mort. En raison de notre histoire évolutive commune, les liens sociaux humains sont similaires à bien des égards à ceux des primates non humains. Il est donc probable que les pratiques mortuaires humaines et le deuil trouvent leur origine dans les liens sociaux. Les comportements thanatologiques que nous observons aujourd’hui chez les primates non humains peuvent avoir été présents chez les premières espèces humaines également et ils ont pu se transformer en différents rituels et pratiques au cours de l’évolution humaine. »

Source : phys.org

Pourquoi les cyclones affament-ils les oiseaux marins de l’Atlantique Nord ?

Chaque hiver, des milliers de carcasses d’oiseaux marins sont découvertes très amaigries sur les côtes nord-américaines et européennes. Une équipe de recherche internationale comprenant le CNRS a dévoilé, le 13 septembre dernier dans Current Biology, comment les cyclones entraînent leur décès.
Ces oiseaux sont en effet souvent exposés à des cyclones de forte intensité pouvant durer plusieurs jours lorsqu’ils migrent de leur lieu de nidification en Arctique vers l’Atlantique Nord, plus au sud, afin d’hiverner dans des conditions plus favorables.
Après avoir équipé de petites balises plus de 1500 oiseaux des cinq principales espèces concernées (macareux moine, mergule nain, mouette tridactyle, et deux espèces de guillemots) et en juxtaposant leurs déplacements avec les trajectoires des cyclones, les scientifiques ont pu déterminer le degré d’exposition des oiseaux à ces événements météorologiques.
En modélisant la dépense énergétique des oiseaux dans de telles conditions, l’étude suggère, de manière surprenante, qu’ils ne décèdent pas d’une dépense énergétique accrue, mais à cause de leur incapacité à se nourrir pendant un cyclone. Les espèces étudiées sont particulièrement inadaptées à voler dans des vents violents et certaines ne peuvent pas plonger dans une mer déchaînée, ce qui les empêche de se nourrir. Piégés lors d’un cyclone, ces oiseaux mourront de faim si les conditions défavorables s’éternisent au-delà des quelques jours que peuvent durer leurs réserves corporelles.
La fréquence des cyclones de forte intensité en Atlantique Nord augmentant avec les changements climatiques, les oiseaux marins hivernant dans cette zone seront d’autant plus vulnérables à de tels événements.

Source : CNRS

Les chiens peuvent faire le lien entre nos émotions et les actions qui en découlent

Des chercheurs de l’université de São Paulo, au Brésil, et de l’université de Lincoln, au Royaume-Uni, ont observé le comportement de plus de 90 chiens domestiques afin d’étudier la manière dont ils établissent un lien entre les manifestations émotionnelles humaines et les actions qui en découlent – des capacités que l’on croyait jusqu’alors réservées aux humains.
L’étude, publiée en septembre 2021, consistait à présenter aux chiens une interaction sociale entre deux personnes inconnues, qui pouvait être positive (heureuse), négative (en colère) ou neutre (ne manifestant aucune émotion particulière). Après avoir assisté à une interaction silencieuse entre les deux personnes, les chiens ont eu l’occasion de s’approcher d’une source de nourriture dont la facilité d’accès variait : soit la nourriture était disponible “gratuitement”, soit les chiens avaient besoin de l’aide des humains pour l’obtenir. Au moment de leur choix, seules des expressions neutres étaient affichées, de sorte que les chiens devaient utiliser leur connaissance de la signification des expressions émotionnelles précédentes des humains pour décider de la voie à suivre.
La Dre Natalia Albuquerque, auteure principale de l’étude et spécialiste du comportement et de la cognition animale à l’université de São Paulo, explique : « Nous avons constaté que les chiens optent généralement pour la solution la plus appropriée. Nous avons constaté que les chiens choisissaient généralement l’humain qui avait montré une expression positive et évitaient celui qui avait montré une expression négative. En outre, les informations émotionnelles disponibles étaient plus importantes lorsque les chiens ne pouvaient pas atteindre la nourriture par eux-mêmes et devaient se faire aider par les humains, ce qui signifie qu’ils prenaient en considération les émotions affichées par chaque personne. Cela suggère que les chiens peuvent acquérir des informations à partir d’expressions émotionnelles, déduire une certaine forme d’état émotionnel et l’utiliser pour prendre des décisions. Il s’agit d’un processus complexe, car ils doivent déduire les états émotionnels des personnes à partir de représentations qu’ils ont générées et stockées dans leur mémoire, et les utiliser dans un nouveau contexte. »
Anna Wilkinson, coauteure et professeure de cognition animale à l’université de Lincoln, poursuit : « Les humains observent souvent les expressions émotionnelles des autres et utilisent ces informations pour guider leur propre ligne de conduite. Les résultats de cette étude montrent que les chiens peuvent acquérir des informations pertinentes à partir de manifestations émotionnelles, les associer à des informations sur les expressions émotionnelles et les conséquences, et les utiliser pour prédire le comportement potentiel des autres afin d’éclairer leur propre prise de décision. »
Briseida Resende, coauteure et professeure de psychologie expérimentale à l’université de São Paulo, conclut : « De futures études prenant en compte le sexe, la race, l’âge et la durée de vie des chiens avec leurs propriétaires, ainsi que l’évaluation d’autres espèces, pourront s’appuyer sur ces résultats et permettront de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de la reconnaissance et de l’inférence des émotions chez les animaux. »

Source : Université de Lincoln