La diversité des oiseaux et des mammifères s’amoindrit avec les invasions biologiques

La mondialisation a conduit à une augmentation des introductions d’espèces en dehors de leurs aires de répartition naturelles. Tout comme le frelon asiatique en France, l’introduction d’espèces dites envahissantes entraîne un déclin de certaines espèces locales : les invasions biologiques représentent l’un des plus importants facteurs de perte de la biodiversité à l’échelle mondiale et la première cause au niveau des territoires insulaires.
Jusqu’à présent, les études portant sur les invasions biologiques se concentraient principalement sur le nombre d’espèces menacées d’extinction. L’étude menée par des scientifiques du CNRS et de l’université Paris-Saclay permet d’aller plus loin en déterminant et en quantifiant les profils des espèces d’oiseaux et de mammifères en danger.
Les chercheuses ont ainsi montré qu’au total 11 % de la diversité phylogénétique de ces deux groupes, autrement dit leur histoire évolutive accumulée, est menacée par les invasions biologiques. Elles ont également prouvé que l’impact des espèces envahissantes est encore plus important sur les stratégies écologiques de ces groupes, soit les moyens dont elles disposent pour se nourrir, vivre, fonctionner et se défendre contre les autres espèces. Les invasions biologiques menacent 40 % de la diversité des stratégies écologiques des oiseaux et 14 % de celle des mammifères.
Ces travaux confirment que les oiseaux sont un groupe particulièrement vulnérable aux invasions. En effet, beaucoup d’oiseaux, notamment des régions océaniques insulaires, sont moins capables que leurs semblables continentaux d’adapter leurs stratégies face aux espèces envahissantes plus généralistes.
Par exemple, le kagou huppé, espèce emblématique de Nouvelle-Calédonie qui est unique du point de vue phylogénétique, car seul représentant de la famille des rhynochétidés, se trouve notamment menacé par le rat. En effet, cet oiseau ne vole pas et se nourrit uniquement au sol. Il est donc incapable de s’adapter à un nouveau prédateur terrestre tel que le rat. D’autres espèces d’oiseaux, en particulier des pollinisateurs et des espèces qui dispersent les graines, se trouvent aussi en danger à cause des invasions biologiques. La disparition de ces espèces aurait donc des conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes dont elles sont des éléments actifs.
Ces recherches permettent de mieux anticiper les futures pertes chez les oiseaux et les mammifères ainsi que les éventuelles conséquences sur les écosystèmes.

Source : CNRS

Les chimpanzés orphelins souffrent-ils de stress chronique ?

La perte d’une personne proche peut marquer un destin, même dans le monde animal. Chez les chimpanzés par exemple, les individus dont la mère meurt lorsqu’ils sont jeunes grandissent moins que leurs congénères, se reproduisent moins et ont également plus de risques de mourir à un jeune âge. Mais pourquoi ? Pour le découvrir, une équipe de recherche internationale dirigée par une chercheuse du CNRS a étudié les effets à court et long terme de la perte de leur mère sur le stress des chimpanzés orphelins, sur une période de 19 ans. En comparant les niveaux d’une hormone marqueuse du stress, le cortisol, entre les individus jeunes et adultes, orphelins ou non, les scientifiques ont observé que les jeunes orphelins sont très stressés. Néanmoins, ceux ayant perdu leur mère depuis plus de deux ans ou ceux qui étaient adultes au moment de l’étude n’étaient pas plus stressés que les autres chimpanzés dont la mère était encore en vie. Ils ne souffrent donc pas de stress chronique, à l’inverse de ce que l’on observe chez l’humain : les enfants dont la mère meurt quand ils sont très jeunes sont en effet sujets à un stress chronique pendant toute leur vie. Selon l’équipe de recherche, les chimpanzés adoptent souvent de jeunes orphelins et cela pourrait expliquer que le stress de la perte maternelle ne perdure pas. Le stress ne pouvant donc pas expliquer à lui seul les différences entre orphelins et non-orphelins, les chercheurs et chercheuses souhaitent maintenant se pencher sur les mères chimpanzés pour établir si elles participent à ces différences, en protégeant mieux leur progéniture que les orphelins par exemple. Les résultats de ces travaux sont parus dans eLife le 16 juin 2021.

Source : CNRS

Photo © Cédric Girard-Buttoz / Taï Chimpanzee Project

Les oiseaux de France se portent-ils bien ?

Largement distribués, occupant de nombreuses niches écologiques et présentant des régimes alimentaires variés, les oiseaux sont d’excellents indicateurs de l’état de santé des écosystèmes. C’est pourquoi l’état de conservation des oiseaux est scruté de près depuis plus de 30 ans. Les dizaines de millions de données collectées sur le terrain par plus de 2000 observateurs depuis 1989 sont compilées et analysées afin de mesurer l’évolution des populations des 123 espèces d’oiseaux les plus communes en France.

Le bilan 1989-2019 publié par la LPO, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’OFB (Office français de la biodiversité) est contrasté : certes, 32 espèces sont en expansion, comme le rouge-queue à front blanc ou la fauvette à tête noire, mais 43 régressent, telles que le chardonneret élégant, la tourterelle des bois ou l’hirondelle de fenêtre. Les autres sont stables ou en trop faible effectif pour déterminer une tendance significative. L’impact du réchauffement climatique est également perceptible. Il a par exemple été démontré que les populations d’oiseaux se décalent vers le nord pour tenter de rester dans les zones où la température leur convient.

 

Une hécatombe urbaine et agricole
Les oiseaux qui se reproduisent principalement en milieu urbain, comme les hirondelles ou le moineau friquet, y ont trouvé une alternative à leur habitat naturel d’origine. Cette faune si familière est pourtant en fort déclin. La transformation des bâtiments et la rénovation des façades détruisent les cavités dans lesquelles nichent certaines espèces ; l’artificialisation toujours plus forte des milieux urbains diminue leurs ressources alimentaires ; la pollution due aux transports et aux activités industrielles a également un impact sur leur santé. La situation est pire pour les oiseaux inféodés aux milieux agricoles, tels que l’alouette des champs et les perdrix, qui ont perdu près du tiers de leurs effectifs en 30 ans. Le modèle agricole intensif développé après-guerre et encouragé par la PAC (politique agricole commune) est en grande partie responsable, pour avoir fait disparaître ou transformé leurs habitats et pour avoir diffusé massivement des produits chimiques, dont les pesticides qui ont bouleversé les équilibres alimentaires, décimé les insectes et abîmé durablement les sols.

 

Une fausse bonne nouvelle
Seuls quelques oiseaux capables de s’adapter connaissent une progression démographique, comme le pigeon ramier, le geai des chênes ou la mésange bleue. Hélas, ce phénomène d’accroissement des espèces dites “généralistes” au détriment des “spécialistes” révèle en fait une uniformisation de la faune sauvage, signe d’une banalisation croissante des habitats et d’une perte de biodiversité.
À l’origine de plus d’une centaine de publications scientifiques internationales, le STOC permet aussi d’orienter et d’évaluer les politiques publiques en matière de conservation de la biodiversité. Ces analyses ont par exemple confirmé l’efficacité des réserves naturelles où les populations d’oiseaux se portent mieux qu’en dehors, et démontré l’intérêt des aides financières conditionnées “scénarios verts 1” qui doivent être développées dans le projet de la nouvelle PAC.

 

“Grâce aux nouvelles technologies, les sciences participatives connaissent un véritable engouement citoyen et offrent aux chercheurs des volumes de données considérables autrefois impossibles à recueillir. Le STOC joue aussi un rôle crucial de lanceur d’alerte qui nous démontre scientifiquement l’urgence d’agir pour sauver les oiseaux et, avec eux, toute la pyramide du vivant.” Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO

Source : Muséum national d’Histoire naturelle

Comment les plantes et les animaux des Alpes réagissent-ils au changement climatique ?

Le massif des Alpes est certainement le plus scruté au monde, constituant un véritable laboratoire à ciel ouvert des effets du changement climatique sur la biodiversité. Alors que de nombreuses études ont indépendamment démontré l’impact des modifications du climat sur l’activité saisonnière, la migration des plantes et des animaux, ses conséquences n’avaient jamais pu être analysées simultanément à l’échelle du massif montagneux. Une équipe européenne d’écologues impliquant Jonathan Lenoir, chercheur du CNRS au laboratoire Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (CNRS/université de Picardie Jules Verne), vient de publier une synthèse qui quantifie ces changements saisonniers et les déplacements en altitude de plus de 2000 espèces de plantes, animaux et champignons vivant dans les Alpes. Cette synthèse démontre que les espèces ont réagi avec une activité saisonnière plus précoce et une montée en altitude de leur distribution, mais que la vitesse de déplacement moyenne, variable selon les espèces, se situe bien souvent en deçà de la vitesse actuelle du réchauffement climatique. Ces résultats, issus en partie de données de sciences participatives, ont été publiés en ligne le 27 avril 2021 sur le site de Biological Reviews.

Source : CNRS

Comment l’homme influence la survie des lycaons

Les lycaons d’Afrique (Lycaon pictus) sont classés comme en danger sur la liste rouge de l’UICN, avec une population en baisse estimée à environ 1400 individus adultes.

Les résultats de l’étude menée par la ZSL (Société zoologique de Londres), Predator Conservation Trust et African Wildlife Conservation Fund sur des sites au Kenya, au Botswana et au Zimbabwe indiquent que des températures ambiantes plus élevées peuvent accroître le risque de mortalité due à d’autres causes, un phénomène qui a également été observé dans le cadre d’études réalisées sur les humains. Les chercheurs de ZSL avaient déjà montré que les lycaons modifient le moment où ils chassent et le choix de leur habitat par temps chaud. Cette nouvelle étude indique que ces changements de comportement amènent les lycaons à entrer davantage en conflit avec les éleveurs et les exposent à des maladies propagées par les chiens domestiques. Ces causes représentent ainsi 44 % de tous les décès de chiens africains ayant eu lieu sur les sites d’étude entre 2002 et 2017.

D’après les chercheurs, la taille de la meute joue un rôle important dans la survie des chiens sauvages africains, suggérant que les meutes ayant de nombreux membres sont plus à même de se défendre, de prendre soin des individus et d’éviter les prédateurs, les concurrents (pour la nourriture et le territoire) et les humains. Les attaques commises par les hommes et la propagation de maladies par les chiens domestiques mettent en péril ces meutes en réduisant dangereusement le nombre de lycaons.

L’auteur principal de l’étude, le Dr Daniella Rabaiotti, de l’Institut de zoologie de la ZSL, explique : « Les températures plus élevées, qui limitent la possibilité pour les lycaons de chasser, risquent également de laisser les individus sous-alimentés, compromettant leur système immunitaire et les rendant de fait plus sensibles aux maladies véhiculées par les chiens domestiques. Ces pressions sur la taille de la meute, qui est elle-même un indicateur important des chances de survie, pourraient mener les lycaons vers l’extinction. »

Le Dr Daniella Rabaiotti poursuit : « Il ressort clairement de notre étude que les impacts humains sur la mortalité des lycaons africains sont considérables. Ceci est particulièrement préoccupant car, en tant qu’espèce hautement sociale avec une forte hiérarchie, le fait que les hommes tuent certains individus particuliers peut avoir un impact disproportionné au niveau de la population. Si un mâle est tué, les membres de la meute peuvent se séparer, ce qui réduit la capacité du groupe à chasser, à se reproduire et à combattre les prédateurs concurrents. »

Tout espoir n’est cependant pas perdu : « La bonne nouvelle est que nos résultats indiquent que l’impact du changement climatique sur la mortalité des lycaons africains pourrait être atténué à la fois localement et mondialement ; en réduisant notre empreinte carbone individuelle, nous pouvons tous contribuer à la survie de ces animaux incroyables. »

Source : ZSL

Photos © DICE / Helen O’Neill ; ZSL / Whipsnade Zoo

La communication des insectes est ancestrale

À quand remonte la communication ? Une étude publiée dans Communications Biology début juillet 2021 vient de repousser de plusieurs dizaines de millions d’années nos connaissances sur le sujet. Grâce à la découverte du plus ancien représentant fossile appartenant au groupe des titanoptères, un genre de sauterelles, une équipe de chercheurs rattachés au Muséum national d’Histoire naturelle a réussi à démontrer que ces insectes, vivant il y a 310 millions d’années environ, étaient déjà capables d’émettre des signaux variés, acoustiques ou visuels.

C’est dans le nord de la France que les scientifiques ont trouvé les fossiles de titanoptères à l’origine de cette révolution scientifique. Une de leurs particularités est la présence de zones spécialisées sur leurs ailes, longtemps assimilées à des organes acoustiques, comme les appareils de chant des grillons et des sauterelles.

Grâce à des méthodes d’imagerie modernes et à des expérimentations sur des spécimens, et par comparaison avec les ailes de nombreux insectes fossiles et actuels, les chercheurs ont démontré que ces zones réfléchissent la lumière dans des directions privilégiées, produisant des flashs, comme le font de nombreux insectes modernes tels que les papillons Morpho aux ailes iridescentes. De plus, la diversité des morphologies trouvées chez les titanoptères tend à prouver qu’une communication sonore, semblable à un crépitement, était possible chez certaines espèces de ces insectes du carbonifère.

Cette découverte révèle que les insectes étaient capables de communiquer il y a plus de 310 millions d’années, soit plusieurs millions d’années plus tôt que ce que les précédentes études avaient communément admis.

Photo © MNHN

Une nouvelle espèce de grenouilles

La deuxième plus haute montagne du Vietnam, le mont Pu Ta Leng, abrite une toute nouvelle espèce de grenouilles, la cinquième à être découverte dans cette région montagneuse en cinq ans. Baptisée Leptobrachella graminicola, cette nouvelle espèce a été trouvée par une équipe de biologistes spécialisés dans la conservation lors d’une expédition dirigée par Luan Thanh Nguyen, membre de la société zoologique de Londres (ZSL).

Cette petite grenouille brune se distingue des autres espèces de la région par ses larges franges autour des orteils. Les chercheurs pensent que Leptobrachella graminicola est probablement dépendante de la forêt et limitée à la région, ce qui signifie qu’elle pourrait être menacée par la destruction continue de l’habitat et le développement touristique. Luan Thanh Nguyen explique : « Nous espérons que cette découverte attirera davantage l’attention des autorités locales et soulignera la nécessité de protéger l’habitat et de gérer le tourisme. »

Ce terrain en altitude semble être un véritable foyer pour des espèces d’amphibiens inconnues jusqu’alors. Plus de la moitié des quelque 8300 espèces d’amphibiens que nous connaissons actuellement n’ont été découvertes qu’à partir de 1960, et 113 d’entre elles l’ont été au Vietnam depuis l’an 2000. Bien que la région ait fait l’objet d’une forte déforestation au cours des dernières décennies, la vallée du mont Pu Ta Leng se trouve heureusement dans la réserve naturelle récemment créée de Bat Xat.
Pour en savoir plus : www.zsl.org 

 

Photo © Luan Nguyen Thanh ZSL EDGE

Vivre avec les animaux dans les montagnes

Anne est une jeune femme de 27 ans qui a débarqué avec ses parents en France depuis les Pays-Bas à l’âge de 7 ans. Passionnée par l’Hexagone et les animaux, la famille s’est installée dans le nord de l’Ardèche pour vivre au plus près de la nature.

Alors que les traitements médicamenteux prescrits par son vétérinaire ne parviennent pas à soigner la blessure de sa jument, une amie lui propose de faire appel à un ostéopathe animalier. C’est une révélation. Non seulement le thérapeute soigne sa jument, mais il lui transmet en plus la passion de son métier. Pour Anne, sa voie est dès lors toute tracée : elle sera ostéopathe animalière.

Après sa scolarité qu’elle réussit brillamment, elle décide de s’installer en Savoie, du côté d’Albertville, et de prodiguer ses soins aux bêtes en sillonnant les routes du Beaufortain. Elle m’explique à demi-mots : « Pas facile de se faire une place au soleil dans ce milieu rural, surtout quand tu es une femme et que tu arrives avec une technique thérapeutique que peu de gens connaissent. Je partais quand même avec deux gros handicaps. »

Mais avec beaucoup de patience, d’explications, de respect et de bons résultats sur les bêtes, on arrive à tout, et aujourd’hui Anne a un carnet de rendez-vous bien rempli. Entre les chiens et les chats à son cabinet, et les animaux de la ferme chez les agriculteurs, ses journées commencent tôt et se terminent tard. La jeune femme m’avoue d’ailleurs manger souvent un sandwich au volant de son pick-up, entre deux rendez-vous. Un comble quand on habite dans une région riche d’une forte identité gastronomique !

 

Chez Marie et Carole
Ce matin, Anne me propose de la suivre à la ferme de Marie et de Carole sur les hauteurs des Saisies. Ces deux sœurs ont repris la ferme familiale en 2012 et gèrent un troupeau de 48 vaches abondances qui produisent du lait pour la coopérative laitière du Beaufortain et qui sert à la fabrication du beaufort, l’un des cinq fromages AOP de Savoie avec le chevrotin, le reblochon de Savoie, la tome des Bauges et l’abondance.

Depuis quelques jours, une vache du troupeau a des problèmes musculaires à une patte et les sœurs souhaitent lui apporter un soin complémentaire aux traitements vétérinaires. L’ostéopathie animale répond parfaitement à la demande, car elle est moins invasive. C’est une manipulation douce des muscles et des articulations qui permet de soulager les tensions et les blocages.

Anne s’approche avec respect de la génisse, qui doit faire dix fois son poids. Elle lui tend la main et se laisse renifler. Il y a du respect dans les gestes, de la tendresse dans le regard et une certaine forme d’élégance. Une fois que l’animal semble avoir donné son accord, Anne en fait le tour tout en passant sa main avec douceur sur l’ensemble de son corps. Un ballet se met alors en place entre la thérapeute et l’animal, puis Anne s’arrête net sur un point précis du dos, juste au-dessus de la patte fragilisée. « Tu vois, me dit-elle. C’est ici que ça se joue. Le muscle coincé dans la patte irradie jusqu’au sommet de son dos. Et c’est là que ça lui fait mal. Je vais devoir débloquer son membre pour que la douleur sur le haut du dos s’estompe petit à petit. »

L’ostéopathie animale fonctionne exactement comme l’ostéopathie humaine ; elle utilise les mêmes techniques et agit sur les mêmes points. Du haut de son 1,58 m et de ses 58 kg, Anne s’empare doucement de la patte de la vache qu’elle vient caler entre ses jambes et remet en place les muscles d’un coup délicat et sec. Un petit claquement se fait entendre, mes poils se hérissent sur mes bras, mais à ma grande surprise la vache ne bouge pas. Elle semble même soulagée du geste juste et parfait que vient d’accomplir Anne. Elle tourne doucement la tête vers la thérapeute, la baisse même un peu, comme pour la remercier et lui faire comprendre que la douleur vient de disparaître sur un claquement de doigts.

Je suis estomaqué par la maîtrise du geste et par le respect qui s’est instauré entre ces deux êtres. Une connexion parfaite entre la jeune femme et l’animal.

 

Chez Cyril
La vache à peine remise sur pattes, nous voilà repartis sur les routes sinueuses de Savoie en direction de la ferme de Cyril. Ce berger de 26 ans a lui aussi repris les rênes de la ferme familiale et gère 110 chèvres avec l’aide de quelques stagiaires et apprentis. Le cheptel produit du lait que Cyril va lui-même transformer en fromage dans son laboratoire flambant neuf, avant de le vendre sur les marchés de la région. La traite a lieu deux fois par jour, mais Cyril peut compter sur un système mécanique pour l’aider. Il faut ainsi trois quarts d’heure pour traire l’ensemble des bêtes qui produisent plus de 250 litres de lait par jour.

C’est la première fois qu’Anne rencontre Cyril. Le jeune homme a entendu parler de l’ostéopathe, dont la réputation se répand comme une traînée de poudre dans la vallée. Le jeune homme est de cette nouvelle génération qui pense que le bien-être animal doit être au cœur du métier de berger. Si un animal est heureux et en pleine forme, son rendement sera meilleur, son lait sera plus doux et le goût de ses fromages sera forcément meilleur.

Cyril montre à Anne une des chèvres, qui boite légèrement. Tout comme la vache, en une fraction de seconde, Anne débloque la situation. Cyril m’explique : « Je ne veux pas faire de la surproduction. C’est pour cela que je limite ma production de fromage. Mes bêtes mangent de la bonne herbe et broutent dans les alpages autour de chez moi. Quand elles souffrent, je fais intervenir systématiquement un professionnel tout de suite. Avoir rencontré Anne est une bénédiction. Je suis persuadé qu’elle va apporter beaucoup de bien-être à mes bêtes. »

Cyril croit au circuit court et à la production locale. Tout comme Anne, il fait partie de cette nouvelle génération de professionnels du monde animal qui apporte une nouvelle vision de leur métier : « Connaître nos racines, savoir d’où l’on vient et être tourné vers l’avenir, sans jamais se fermer aux nouvelles techniques et technologies, voilà notre futur. »

 

J’ai été véritablement séduit par le dynamisme de ces deux jeunes, passionnés par leur métier et surtout par leurs animaux. Décidément, l’avenir entre l’homme et l’animal nous réserve de belles histoires pour peu que nous soyons respectueux et à l’écoute les uns des autres.

Par Gérald Ariano

 

Dans chaque épisode d’“Une vie de bêtes” sur Ushuaïa TV, Gérald Ariano part à la rencontre des professionnels du monde animal. Chacune de ces rencontres est l’occasion pour lui de travailler à leurs côtés et de découvrir les particularités de ces métiers passionnants.

© TF1 ; G2AMEDIA

Fascinantes abeilles

Les abeilles ont chacune leur personnalité
On perçoit les abeilles comme de petits robots qui travaillent avec acharnement du matin au soir, ce qui est absolument faux. En effet, il existe des flémardes, ce qui est important parce que c’est ce qui équilibre les réactions de la colonie. Si toutes les abeilles agissaient en même temps et de la même manière au moindre stimulus, la réaction serait disproportionnée.
Les abeilles ont des personnalités variées parce qu’elles ont des pères différents, la reine s’accouplant avec une vingtaine de mâles, mais aussi parce qu’elles sont sous l’influence de facteurs épigénétiques, c’est-à-dire ce qui intervient avant la modification des gènes et qui s’acquiert au moment où elles sont élevées. Des abeilles élevées à une température moyenne de 33 °C vont ainsi avoir une personnalité différente de celles élevées à une température moyenne de 35 °C : on peut dire que la chaleur fait le caractère ! Certaines auront par exemple plus d’appétence pour les travaux à l’extérieur de la ruche et deviendront des butineuses plus tôt. Parmi les butineuses, certaines abeilles auront également des vocations particulières, notamment les porteuses d’eau, un métier très dangereux qui se transmet par la lignée des pères.
La reine influence également le caractère de la ruche. Ainsi, chez les guêpes polistes notamment, la reine qui est la moins sensible aux attaques et qui ne s’enfuit pas du nid donne une colonie plus agressive. Il en va de même chez les abeilles : un apiculteur qui ne peut plus approcher sans se faire piquer d’une colonie devenue ingérable peut décider de changer la reine.

 

L’importance de l’odeur chez les abeilles
L’odeur est le premier langage parlé dans le monde animal et 90 % de la communication des insectes passe par l’odeur, appelée phéromone. Les abeilles vivent la plus grande partie de leur vie dans l’obscurité de la ruche et, comme leurs yeux ne leur servent alors à rien, les phéromones jouent un rôle très important. La phéromone royale est émise par la reine pour dire qu’elle est présente, qu’elle pond et qu’elle est en bonne santé, mais c’est aussi celle qui fait que les abeilles sont stériles : elles ne développent pas d’ovaires puisqu’elles n’en ont pas besoin.
La phéromone d’alarme alerte quand il y a un danger ; elle est émise dès qu’une abeille sort son dard. Elle incite des butineuses en train de travailler à se transformer en guerrières et à venir à l’assaut de l’agresseur.
Dans la ruche, les abeilles perçoivent les différentes phéromones du bout de leurs antennes, raison pour laquelle elles se touchent souvent et sont toujours en mouvement. En l’absence de nez, ces antennes sont de précieux récepteurs olfactifs qui reconnaissent chacune des odeurs circulant dans la ruche. Les abeilles les transportent ensuite par frottement des corps et par trophallaxie (échange de nourriture).
Chaque colonie a sa propre odeur, qui s’imprime sur la cuticule des abeilles (leur enveloppe extérieure faite d’une peau très dure) deux ou trois jours après la naissance ; cette odeur varie d’une ruche à l’autre. Mais cela ne s’arrête pas là : la cuticule de l’abeille porte également l’odeur de la lignée paternelle. Les abeilles savent ainsi reconnaître si elles ont affaire à une vraie sœur ou à une demi-sœur.

 

Le courant passe entre les abeilles et les fleurs
Les fleurs émettent une charge électrique négative et les abeilles en vol une charge électrique positive. Quand une abeille se pose sur une fleur, le contact électrique fait qu’elle se couvre de pollen, participant ainsi à la fertilisation de toutes les fleurs. La charge électrique de la fleur baisse au fur et à mesure que son nectar s’épuise, dégageant une phéromone qui avertit les insectes et leur évite de se poser inutilement.
Les fleurs perçoivent par vibration le bruissement des ailes des insectes pollinisateurs qui les incitent à produire du nectar, fait découvert très récemment ! Quand une abeille ou un papillon survole une fleur, celle-ci peut ainsi produire jusqu’à 20 % de nectar en plus.

 

Les abeilles sauvages méritent qu’on s’intéresse à elles
Pendant longtemps, on ne s’est intéressé qu’aux abeilles domestiques qui pollinisent nos cultures et produisent du miel, mais elles ne sont pas les seules pollinisatrices. Il y a 20 000 espèces d’abeilles sauvages dans le monde, dont 2000 en Europe et 1000 en France. Elles sont à 90 % solitaires, ne vivant donc pas en colonie. Elles sont très importantes car les abeilles mellifères ne sont pas capables de polliniser toutes les plantes.
Les abeilles sauvages souffrent de la perte de la biodiversité car elles sont souvent spécialisées dans une ou deux fleurs et ont ainsi adapté leur morphologie à ces fleurs. Inversement, certaines fleurs ne sont pollinisées que par une seule espèce d’abeilles. Leur sort est donc étroitement lié.

 

 

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Yolaine de la Bigne est la fondatrice du site “L’animal et l’homme”. Elle partage avec nous ses rencontres autour des intelligences animales.

Pour écouter plus d’interviews de Sylla de Saint Pierre : www.lanimaletlhomme.com

Une conque musicale

Ce n’est pas le bruit de la mer que vous entendrez grâce à ce coquillage mais un son vieux de 18 000 ans ! Près de 90 ans après sa découverte, cette conque issue de la grotte ornée de Marsoulas, dans les Pyrénées, a révélé son secret à des chercheurs du CNRS en février 2021. Ce grand coquillage de l’espèce Charonia lampas (triton à bosses), perforé à ses extrémités par la main de l’homme, est capable de produire des sons proches des notes musicales : do, do dièse et ré. La datation au carbone 14 a révélé qu’il s’agit du premier instrument de musique à vent de ce type. Jusqu’à présent, seules des flûtes avaient été découvertes en Europe.

Pour l’écouter, rendez-vous : https://soundcloud.com/cnrs_officiel/marsoulas-shell-conch-sound